Cher lecteur,
Le président Trump ne tenterait-il pas d’amorcer un nouveau « round » d’âpres négociations commerciales ?
Peut-être bien.
Vendredi dernier, il a vivement invité la Fed à assouplir sa politique monétaire de manière plus active.
« Je pense [que la Fed] devrait abaisser les taux pour se débarrasser du resserrement quantitatif », a-t-il déclaré aux médias. « Vous verriez une fusée décoller. Bien que nous nous en sortions très bien. »
Les économistes conventionnels se sont aussitôt moqués de lui. Selon leurs manuels du parfait keynésien, la Fed mène une politique à peu près correcte. Ils considèrent que l’économie est une machine instable que l’on doit perpétuellement régler à coups de politiques monétaires et budgétaires. L’économie keynésienne soutient que le capitalisme doit être géré par des technocrates.
Mais Trump a suffisamment de sens pratique pour identifier la « grosse bulle hideuse » [NDLR : expression que Trump a employé durant sa campagne présidentielle] que la Fed a créée sous le mandat d’Obama. Il n’a pas oublié ce qu’il a dit [en 2016], même s’il n’est plus dans son intérêt, politiquement, de le mentionner.
Trump doit admettre qu’il serait préférable, pour ses chances de réélection, que la Fed reste accommodante… surtout s’il a l’intention de faire constamment pression sur la Chine et l’Europe, en 2019 et 2020, pour obtenir de meilleures conditions commerciales.
Hier, les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Europe sont apparus comme une question susceptible de faire bouger les marchés, quand Trump a tweeté ce qui suit :
« L’Organisation mondiale du commerce trouve que les subventions accordées par l’Union européenne à Airbus ont eu un impact négatif sur les Etats-Unis, lesquels vont désormais appliquer des tarifs douaniers sur 11 Mds$ de produits de l’UE. L’UE profite des Etats-Unis depuis des années, sur le plan commercial. C’est bientôt fini ! »
Voici le contexte : pendant des années, les Etats-Unis et l’UE se sont mutuellement accusés de subventionner de façon illégale les constructeurs d’avions Boeing et Airbus. Ce litige commercial est entre les mains de l’OMC depuis plus de dix ans.
Réagissant au tweet de Trump, la Commission européenne a déclaré qu’elle allait élaborer un plan de représailles portant sur les subventions américaines accordées à Boeing.
Cette volée de tirs, sur le front de la guerre commerciale, signale que de nouveaux tarifs douaniers pourraient se profiler à l’horizon. Trump veut sûrement offrir à sa base électorale des résultats économiques tangibles d’ici l’automne 2020.
Son projet comporte probablement des accords commerciaux avec la Chine et l’UE. Et même après la conclusion de tout accord commercial potentiel, le gouvernement Trump maintiendra probablement la pression sur les partenaires commerciaux pour qu’ils respectent ces accords.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’en élisant Trump, les électeurs américains ont choisi un combattant, et non un créateur de consensus.
Alors les investisseurs devraient considérer tout accord commercial comme un tremplin vers le chapitre suivant, dans lequel Trump place l’intérêt de l’Amérique avant tout.
Les investisseurs devraient se méfier des actions trop exposées aux échanges internationaux, indépendamment de la progression des négociations relatives aux accords commerciaux. Dans toute l’Europe et l’Asie, les économies ralentissent rapidement.
Dans une note du 5 avril, voici ce qu’écrit Capital Economics :
« Une ventilation détaillée des exportations mondiales suggère que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine n’est pas responsable du ralentissement du commerce mondial. Ce ralentissement latent concerne plutôt toutes sortes de produits, dont une chute des exportations d’équipements électriques et de matériaux qui a provoqué un ralentissement de croissance particulièrement brutal, ces derniers mois. Par conséquent, tout accord durable entre les Etats-Unis et la Chine n’entrainera probablement pas un revirement du commerce mondial.
Le commerce mondial a débuté l’année dernière en progressant d’environ 5% d’une année sur l’autre, mais c’est au cours des derniers mois de 2018 que les volumes d’échanges se sont le plus contractés depuis la crise financière mondiale. Malgré un rebond partiel en janvier, le volume des exportations mondiales demeure loin des niveaux enregistrés il y a un an, et les indicateurs avancés suggèrent que la croissance des échanges commerciaux restera morose au premier semestre 2019. »
En poussant l’examen des échanges commerciaux jusqu’à leurs composantes les plus médiocres, Capital Economics indique que la production mondiale de produits électroniques a ralenti tout au long de 2018.
Observez la tendance de la production (ligne noire) ici :
Composantes de l’indice « Global Electronics PMI »
(moyenne sur 3 mois)
[Indice des stocks de produits finis (échelle de gauche)
Indice de la production (échelle de droite)]
C’est si médiocre que la baisse de la production n’a pas suffi à compenser la faiblesse de la consommation. Par conséquent, les stocks de produits électroniques ont augmenté à un rythme inédit. Cette tendance est visible sur la ligne bleue, ci-dessus.
Or que font les producteurs d’électronique, lorsque les filières de distribution regorgent d’invendus ? Ils réduisent la production. Et ils réduisent les dépenses d’investissement. Et donc toute la chaîne alimentaire du semi-conducteur est en péril.
Les actions du secteur des semi-conducteurs se sont nettement envolées, en 2019, sur l’anticipation d’une reprise au deuxième semestre. Mais les tendances relatives aux stocks, de même que les tensions commerciales persistantes, rendent cette reprise peu probable.
Nous recommandons d’éviter les actions des semi-conducteurs. Lorsqu’elles publieront leurs résultats du premier trimestre 2019, en avril et en mai, elles indiqueront probablement une baisse de leurs prévisions de bénéfices pour 2019.
Bien à vous,
Dan Amoss, CFA
Alerte Guerre des Devises