Cher lecteur,
« Considérant la montée du populisme et le fait que le cycle de resserrement de la Fed semble être terminé, que pensez-vous des actions liées à l’or ? » ai-je demandé.
« Elles me donnent envie de vomir, pour être honnête », a-t-il répondu, avec un petit rire.
Cet extrait provient d’une conversation que j’ai eue cette semaine avec un brillant conseiller financier travaillant dans une société de courtage réputée.
La conversation téléphonique portait sur les risques présents dans le compte de courtage d’un membre de la famille. Il s’agit du compte épargne-retraite d’un couple. Il s’est bien comporté pendant le long marché haussier de ces dix dernières années mais intègre encore un vaste compartiment actions.
Ce conseiller financier pense que le marché actions haussier va se poursuivre jusqu’en 2020, largement, sous l’impulsion de toutes ces nouvelles dépenses d’investissement déclenchées dans les entreprises par l’accord commercial très attendu entre les Etats-Unis et la Chine. Il gère un compartiment classique d’actions/obligations, avec un peu de liquidités et aucun investissement alternatif tel que l’or ou les actions liées à l’or.
Il semblerait que ce soit une opinion consensuelle, et il a [donc] constitué un portefeuille d’investissement classique.
Il n’y a rien de mal à adhérer à l’opinion consensuelle. En fait, le plus souvent, cela a même tendance à rapporter.
Mais cela peut coûter cher lorsque le marché haussier se transforme en marché baissier. Les premiers stades d’un marché baissier sont souvent pris, à tort, pour des corrections de marché haussier. Ce n’est qu’avec le recul que l’on peut cerner précisément à quel moment s’est amorcé un marché baissier.
Dans la mesure où, dans le monde, ce marché actions haussier est largement alimenté par des taux d’intérêt à zéro et des programmes d’assouplissement quantitatif menés par les banques centrales, il est logique de supposer que si ces politiques venaient à faire marche arrière, les actions perdraient un pilier de soutènement essentiel.
D’ailleurs, les banques centrales sont devenues plus accommodantes, depuis le krach boursier du quatrième trimestre 2018.
Mais nous devons nous poser cette question : le prochain round de stimulus prodigué par les banques centrales ressemblera-t-il à la dernière version mise en œuvre? C’est peu probable.
En fait, avec la montée du populisme, il est prudent de partir du principe que le prochain round d’assouplissement quantitatif mené par les banques centrales sera conçu pour placer davantage d’argent entre les mains des ménages. Cela s’appellera peut-être la Théorie Monétaire Moderne, « le QE en faveur du peuple », ou simplement un stimulus économique convenu par les deux partis politiques [américains], et financé avec l’aide de la Fed (que le Congrès peut manipuler, tôt ou tard, en brandissant simplement la menace de lois de réforme).
Un tel choc au sein du système monétaire pourrait être très inflationniste, même si l’on a promis le contraire. Cela pénaliserait les portefeuilles de placement regorgeant de liquidités, de bons du trésor et d’actions, et qui ont besoin du contexte plaisant de ces dix dernières années, avec ses taux bas, pour dégager un rendement décent.
Les taux d’intérêt à long terme augmenteraient, à mesure que les investisseurs exigeraient des primes plus élevées, face à la menace d’inflation, afin de compenser le risque pris en investissant dans des prêts et obligations. Les actifs tangibles, et particulièrement l’or, en tireraient parti.
Ce scénario peut paraître extrême. Mais l’est-il tant que ça, si l’on considère à quel point le système financier sera fragile, lors de la prochaine récession ? Il s’est trouvé au bord de l’effondrement, au quatrième trimestre 2018, simplement à la suite d’un bref épisode de relèvements des taux et de resserrement quantitatif, [pourtant] annoncés à l’avance par la Fed.
N’oubliez pas que l’endettement des entreprises atteint des niveaux record. Ces emprunteurs, qui veulent à tout prix satisfaire les agences de notation, font tout ce qu’il faut pour préserver leurs notations de crédit. Par conséquent, au début de la prochaine récession, les sociétés lourdement endettées opèreront des coupes sombres sur la masse salariale et les dépenses d’investissement, et ce à un rythme qui en surprendra plus d’un.
La Fed ne disposant pas de cette marge de 500 points de base (que Jim évoque souvent) exigée pour juguler une récession, elle n’aura pas grand-chose à offrir à des investisseurs conditionnés pendant dix ans à ce que les banques centrales « assurent leurs arrières ».
Un QE illimité mené par la Fed ne sera pas acceptable, politiquement… sauf si une partie est employée à satisfaire les exigences d’un électorat plus vaste.
Si la Fed injectait directement dans l’économie une nouvelle vague d’argent frais, via le budget fédéral, ce serait extrêmement haussier pour l’or.
Voilà qui me ramène à l’introduction de ce commentaire. Il est remarquable que si peu de conseillers financiers, petits investisseurs et investisseurs institutionnels se soient positionnés sur l’or.
Au bout de dix ans de marché actions haussier, la détention d’actions est une stratégie consensuelle très répandue. Dans les médias financiers, les « bulls » (état d’esprit haussier) croient voir des « bears » (état d’esprit baissier) et des vendeurs à découvert (« short-sellers ») dissimulés derrière chaque buisson. Mais je ne me rappelle pas avoir vu beaucoup de bears, et les données relatives au Short Interest [NDLR : « Short interest ratio », indicateur faisant ressortir le nombre d’actions vendues à découvert et n’ayant pas encore été couvertes] est proche de plus bas historiques.
A l’inverse, après un redoutable marché baissier, la détention d’or et d’actions de sociétés minières aurifères se limite à un tout petit sous-ensemble du monde de l’investissement. Ce groupe d’investisseurs – fidèles partisans de l’or – considère l’or comme une monnaie et se méfie à juste titre des conséquences à long terme du comportement des banques centrales.
L’or a évolué à la baisse, ces dernières semaines, alors que les investisseurs se précipitent sur un marché actions suracheté, de peur d’être laissés pour compte.
Rien ne peut empêcher les investisseurs de suivre la tendance (« momentum »), à court terme, comme l’ont démontré plusieurs bulles, par le passé. Mais à ces niveaux d’évaluation historiquement élevés, les actions réservent déjà des rendements très décevants, sur le long terme, pour les acheteurs actuels.
Lors de la prochaine correction de marché, une nouvelle vague d’investisseurs se tournera vers l’or et les minières aurifères, pour se protéger.
Par conséquent, nous recommandons toujours d’acheter sur les replis.
Bien à vous,
Dan Amoss, CFA
Alerte Guerre des Devises