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Décidément les semaines se suivent et se ressemblent.
Les indices américains continuent de battre des records historiques de hausse comme si rien ne pouvait les arrêter, à l’image d’un pays confiant en l’avenir et laissant peu de place au doute.
Comme un cycliste qui a compris que pour ne pas tomber il ne fallait jamais cesser de pédaler.
Un peu caricatural me direz-vous, mais cette image traduit bien dans l’inconscient collectif le cliché de l’« American Way of Life ».
Une attitude ambitieuse dans un pays qui regarde toujours devant lui et voit grand : toujours plus grand, toujours plus fort.
En revanche les indices européens quant à eux font grise mine depuis quelques jours.
Il est vrai que la semaine boursière américaine écourtée pour cause de Thanksgiving n’est traditionnellement pas une période propice à des prises d’initiatives tranchées.
Après la hausse, certes molle mais régulière, du Cac 40 ces dernières semaines, c’est à un véritable statu quo auquel nous assistons désormais.
Une sorte de calme avant la tempête ? Ou plus simplement un doute qui s’installe ?
Mon avis penche en faveur d’une lassitude des investisseurs. Un désagréable sentiment d’être manipulé encore et encore par les fake news distillées autour de la tristement fameuse guerre commerciale.
De mémoire d’investisseurs, jamais période d’incertitude boursière n’aura été aussi longue depuis des décennies. La faiblesse des volumes d’échanges traduit bien le climat ambiant.
Comment se forger des convictions fortes avec si peu de fiabilité dans l’information.
Voilà le grand paradoxe de notre époque. Jamais l’information n’a circulé aussi vite et aussi loin.
Dans les coins les plus reculés du globe, l’information arrive à la vitesse de la lumière.
Le problème est que via les réseaux sociaux, les fake news aussi. La technologie dont l’humain pourrait être fier n’est que trop souvent utilisée à des fins douteuses.
Dès lors, qui s’étonnera que ses effets pervers viennent s’inviter à la grande table des marchés boursiers mondiaux.
Les premières victimes de cette situation inédite sont les analystes financiers et les gérants de fonds.
Ces deux corps de métiers intimement liés car complémentaires dans l’univers de la gestion d’actifs puisent traditionnellement leur inspiration dans l’analyse fondamentale des marchés financiers.
Ils sont capables d’analyser un secteur d’activité, d’en estimer les perspectives à plus ou moins long terme. Ils savent lire des bilans d’entreprises et évaluer précisément la « valeur » d’une action.
Ils ont le don d’extrapoler l’avenir à partir d’une analyse pointue du contexte géopolitique et macroéconomique.
Eh bien aujourd’hui, ce qui faisait leur expertise dans ce domaine de compétence si spécifique est rudement mis à mal. Les marchés ne réagissent plus de la même manière aux nouvelles qu’auparavant.
A l’ère des taux d’intérêts négatifs, aberration inimaginable qui consiste à offrir des intérêts à un emprunteur au lieu d’en percevoir, le monde de la finance a perdu quelques repères. Et c’est un euphémisme.
Valeur fondamentale et prix du marché.
Rarement le prix du marché n’aura été aussi décorrélé de la valeur fondamentale de celui-ci.
L’attitude des banques centrales et leur politique accommodante de soutien à l’économie y est pour beaucoup, et cela ne semble pas prêt de s’arrêter.
On peut comprendre le désarroi des analystes et des gérants observant la hausse des marchés, alors que d’après leurs analyses, ils devraient baisser. Cela doit provoquer chez certains des doutes quant à leur compétence.
Pour d’autres au contraire, pas de place pour le doute. Ils sont certains que les marchés leur donneront raison tôt ou tard !
Seulement voilà, comme l’affirme cette expression bien connue : « avoir raison trop tôt, c’est avoir tort » !
Le prix du marché évolue au gré de l’offre et de la demande. Cette loi universelle, au même titre que les lois physiques de la nature, demeure immuable.
C’est donc bien la psychologie des investisseurs qu’il faut analyser. L’expression « le marché a toujours raison » traduit bien cet état de fait. Que le marché monte ou descende pour de « mauvaises » raisons, il a raison.
Attention je ne fais pas ici l’apologie du Panurgisme. Ce serait stupide.
Je prétends seulement que dans le contexte actuel de notre société, le comportement des investisseurs est en passe de devenir le meilleur indicateur technique d’une tendance.
Heureusement, les outils de l’analyse technique et graphique des marchés financiers sont autant de phares pour nous guider.
Ils ne permettront jamais la création d’une science exacte mais sont une aide précieuse pour avancer dans la nébuleuse des marchés d’aujourd’hui.
Ils nous disent que tant qu’une tendance est haussière sans signal de retournement, il faut tenter d’en tirer profit. Soit en achetant après des replis, soit en prenant des bénéfices sur les achats préalablement réalisés.
A moins d’être devin, la plus grossière des erreurs consisterait à vendre à découvert un marché qui n’est pas encore baissier. Beaucoup s’y sont brûlés les ailes.
Le plus raisonnable serait de s’abstenir lorsqu’une amorce de retournement se produira.
Mais nous n’en sommes pas là…
Très cordialement,
Antoine QUESADA.