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Alerte n°49 – Un indicateur signale des problèmes en perspective, pour les actions 

Par 7 février 2020Alertes

Dan Amoss

Cher lecteur,

Une inversion de la courbe des rendements est un signal de récession classique. C’est un indicateur très puissant, dans la mesure où il a précédé toutes les récessions depuis ces 60 dernières années.

Et lorsque la récession arrive, les actions peuvent s’effondrer. Voilà pourquoi notre Moniteur de Krach mesure la courbe des rendements de plusieurs façons.

Pour calculer la courbe des rendements, la formule la plus employée est la suivante :

Rendement du bon du Trésor américain à 10 ans
MOINS rendement du bon du Trésor américain à 2 ans.

La ligne verte, dans le cadre supérieur du graphique, représente la courbe des rendements en points de pourcentage. Le 4 février, à la clôture, elle n’était que de 0,2% ou de 20 points de base. C’est proche de l’extrémité basse de sa fourchette (« range ») historique.

Taux 10 ans moins 2 ans et S&P500

La ligne bleue représente le SP 500, les rectangles rouges faisant ressortir les deux derniers principaux marchés baissiers. Vous remarquerez qu’au cours de ces deux marchés baissiers, la pire phase de vente n’a débuté que quelques années après que la courbe des rendements a atteint le zéro ou bien est entrée en territoire négatif. Le mouvement de vente des actions a coïncidé avec une série de baisses des taux de la Fed, réalisée dans la panique.

Cette série de baisses des taux a fait brusquement remonter la courbe car les rendements des bons du Trésor à 2 ans ont chuté bien plus que ceux des bons du Trésor à 10 ans.

Il convient de noter que si les investisseurs passent en phase “aversion au risque” et craignent une récession imminente, les baisses de taux de la Fed ne peuvent les empêcher de se débarrasser de leurs actions et d’éliminer le risque au sein de leurs portefeuilles. La politique des taux menée par la Fed ne peut exercer un contrôle sur le marché actions que si les investisseurs conservent un réel appétit pour le risque.

On obtient un message similaire en mesurant la courbe des rendements autrement :

Rendement du bon du Trésor américain à 10 ans
MOINS rendement du bon du Trésor américain à 3 ans.

La variation de cette courbe des rendements (représentée par la ligne verte ci-dessous), a été considérable jusqu’à présent, en 2020 :

Taux 10 ans moins 2 ans et S&P500

Si ces deux courbes des rendements demeurent proches de zéro (ou en-dessous) pendant une période prolongée, alors les mécanismes de création de crédit bancaire pourraient stopper net.

Voilà pourquoi chaque fois que la courbe des rendements baisse trop, la Fed a tendance à réagir en baissant les taux courts. Et à son tour, une baisse des taux courts refait grimper la courbe des rendements.

Il n’est pas étonnant que le marché des futures (contrats à terme) sur les fed funds ait augmenté de 14% à 35% ses probabilités que la Fed baisse les taux de 25 points de base lors de sa réunion de juin 2020. Mais bien avant ce mouvement sur les futures, Jim avait prédit que la Fed baisserait les taux de 25 points de base lors de sa réunion de juin, en vue de faire remonter la courbe des rendements.

Si la Fed ne baisse pas bientôt les taux, alors le volume des prêts bancaires devrait se contracter au cours des prochains mois.

Une fois que l’on a décrit ces tendances, il convient de se demander la chose suivante : Dans quelle mesure la courbe des rendements affecte-t-elle l’économie réelle ?

Pendant les phases d’expansion du crédit, les banques sont heureuses d’accorder de nouveaux prêts car les taux d’intérêt qui y sont appliqués dépassent généralement leur coût de financement (via les dépôts et autres choses analogues). Et lorsque les banques enregistrent ces prêts dans la colonne « actif » de leur bilan, elles créent simultanément de l’argent en plus (masse monétaire) dans la colonne « passif » de ce même bilan.

Une masse monétaire croissante signifie généralement qu’une abondance d’argent afflue dans l’économie, ce qui est nécessaire pour honorer le service des anciennes dettes restant dues. Les déficits publics américains et l’élargissement du bilan de la Fed font également augmenter la masse monétaire, mais celle d’aujourd’hui a surtout été créée via les prêts émis par le système bancaire.

Dans un contexte où les « marges nettes d’intérêts » des banques se contractent, celles-ci se montrent plus pointilleuses dans leur décisions d’attributions de prêts. Et à mesure que la croissance des prêts ralentit, la croissance de la masse monétaire ralentit.

La courbe des rendements préfigure la tendance des futures marges bénéficiaires des banques, et on ne dirait pas qu’elle est haussière. Si les banques ne réalisent pas des marges correctes sur les nouveaux prêts qu’elles accordent, cela pose un problème, dans le contexte d’une économie très endettée, où beaucoup d’emprunteurs refinancent constamment leurs prêts.

En quelques mois, les défauts de remboursement sur prêts s’envolent. Et, lorsque les défauts s’intensifient au point de menacer le système bancaire, la Fed panique et abaisse les taux.
Nous n’avons pas constaté beaucoup de défauts, dans les récents rapports financiers des banques, mais il y a des tendances inquiétantes en ce qui concerne les défauts sur les cartes de crédit.

Le cycle de crédit actuel a été extraordinairement long car la Fed a maintenu une politique monétaire digne d’une situation d’urgence de 2008 à décembre 2015, date à laquelle elle a commencé à relever timidement les taux.

Cette politique super accommodante a permis à une interminable expansion du crédit – notamment dans le domaine des obligations d’entreprise – d’atteindre des sommets sans précédent. Le fardeau des dettes bancaires et obligataires étant plus lourd que jamais, l’économie américaine devient, avec le temps, moins tolérante à une courbe des rendements aplatie.

Avant de vendre leurs actions et d’atténuer le risque au sein de leurs portefeuilles, beaucoup d’investisseurs attendent six à douze mois après le point d’inversion de la courbe des rendements.

Ces investisseurs sont convaincus que nous nous trouvons dans une phase du cycle équivalente à celles de 1999 ou 2006, alors ils s’attendent à un ultime « melt up » (envolée à la hausse).

Le net rebond opéré par les actions depuis fin décembre 2018 ressemble certainement à un melt-up. Et ce n’est peut-être pas fini. Mais la plupart des actions ont grimpé bien au-delà du stade où leur évaluation peut les soutenir,  et la poursuite de leur rally dépend de l’entrée sur le marché de nouveaux acheteurs.

Cependant, d’un cycle économique à l’autre, il est clair que l’économie américaine – lourdement endettée – tolère moins bien le resserrement monétaire, l’inversion de la courbe des rendements et le ralentissement de la croissance de la masse monétaire.

Les bénéfices des entreprises se contractent depuis plusieurs trimestres, mais les investisseurs l’ont largement ignoré. La seule chose qui leur importe, c’est que la Fed a fait rapidement volte-face en 2019, en passant à un assouplissement monétaire radical.

Une nouvelle baisse de 25 points de base des taux, mi-2020, pourrait-elle déclencher une nouvelle vague de spéculation ?

Peut-être. Mais la prochaine baisse des taux de la Fed surviendra probablement en réaction à une détérioration des conditions de crédit. Or les actions opèrent rarement un rally, dans de telles circonstances.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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