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Alerte n°103 – Quand les chouchous du momentum plongent

Par 13 novembre 2020Alertes

Dan Amoss

Cher lecteur,

Nous avons atteint un stade du marché haussier où les investisseurs novices prennent des dynamiques de bulle pour des fondamentaux réels et durables. Ce stade correspond traditionnellement aux dernières phases d’un marché haussier.

Ces dernières semaines, nous avons expliqué pourquoi les actions très recherchées par des cohortes de jeunes day-traders, et celles qui étaient vaguement liées à une déferlante électorale favorable aux démocrates, pouvaient soudain plonger.

Ces actions ne sont pas portées par leurs fondamentaux, mais fondées sur l’anticipation – selon la théorie du plus idiot – que quelqu’un se manifestera et offrira un cours encore plus élevé que le dernier, déjà bien trop élevé.

Autrement dit, la seule raison motivant les trades sur ces actions est de pouvoir les revendre rapidement, au lieu de les conserver – sur des périodes de plusieurs années – comme autant de parts dans des entreprises créatrices de valeur, soigneusement sélectionnées.

Dernièrement, Gaël vous a recommandé une série de trades sur options réussis, notamment sur deux instruments spéculatifs populaires auprès des jeunes investisseurs : Invesco Solar ETF (NYSE : TAN) et le constructeur de véhicules électriques (VE) Tesla Inc. (NASDAQ : TSLA).

L’impact de Tesla, dans le monde réel, en termes de chiffre d’affaires effectif et de parts de marché dans le secteur automobile, est une minuscule erreur d’arrondi, comparé à l’impact surdimensionné que cette société exerce sur le marché actuel aux allures de bulle.

Ceux qui anticipent que Tesla va progresser au point de dominer le futur marché des VE ne ressentent pas cette peur pourtant saine face à ces deux facteurs qui se profilent à l’horizon : une capacité de production excédentaire dans le secteur automobile mondial, et une avalanche de VE concurrents.

Certains traders de hedge funds tentent cyniquement de jouer sur l’intégration – largement attendue – de TSLA dans l’indice S&P 500. Ils ont l’intention de fourguer leurs actions TSLA, comme si c’étaient des fruits rapidement périssables, aux détenteurs de valeurs du S&P 500 qu’ils considèrent comme des pigeons.

Mais la commission décidant des intégrations dans l’indice S&P 500 semble avoir identifié cette tactique. Il semble qu’elle ait volontairement rechigné à admettre TSLA dans cet indice énormément recherché, car les mécaniques de rééquilibrage de l’indice en vue d’intégrer cette action surévaluée pourraient déclencher le krach de nombreuses valeurs parmi ses 499 autres composantes.

La surévaluation d’actions telles que Tesla est portée par des discours, et non de solides fondamentaux.

Les fondamentaux, ce sont notamment des bénéfices durables, de solides bilans et des retours sur capitaux investis prévisibles.

Une autre action ressemble remarquablement à Tesla. Il s’agit de Beyond Meat (NASDAQ : BYND), qui produit des substituts de viande à base de plantes. A l’image de Tesla qui est censé avoir « disrupté » le marché des véhicules à essence, Beyond Meat est censé révolutionner le marché de la viande de bœuf.

A partir de son cours d’introduction en Bourse de 25 $ en 2019, les investisseurs ont fait grimper l’action BYND à près de 200 $ il y a tout juste un mois.

Parmi les dynamiques classiques qui font éclater les bulles figure l’arrivée en masse de nouveaux concurrents. Pourtant – ironiquement – c’est justement au moment où il est crucial de comprendre cette dynamique (juste avant l’éclatement de la bulle) que tout le monde passe outre.

Une nouvelle concurrence sape les projets de croissance agressifs d’une entreprise ainsi que ses prévisions de profits optimistes. Dans le cas de Beyond Meat, la concurrence provenant de gigantesques acteurs de l’agro-alimentaire est déjà intense.

Par ailleurs, les actionnaires de BYND ont longtemps ignoré dans quelle proportion la croissance historique du chiffre d’affaires de l’entreprise provenait de l’extension de sa distribution via de nouvelles chaines de restaurant et d’épiceries, et non d’une hausse des achats de la clientèle.

Voilà qui me rappelle que peu d’analystes admettent qu’une grande partie de la croissance enregistrée ces dernières années par Tesla provient de l’introduction de nouveaux modèles dans de nouvelles zones géographiques. Les données concernant les ventes à périmètre comparable de Tesla sont absentes, car elles affaibliraient le discours officiel de Tesla invoquant une demande illimitée.

Etant donné l’envolée de la concurrence d’entreprises telles qu’Impossible Foods sur le marché limité des substituts de viande, une guerre autour des parts de marché et de l’espace dans les rayons aura probablement lieu. Les commerçants mettront les entreprises en concurrence les unes avec les autres.

Les prix des substituts de viande chuteront, dans un contexte où Beyond Meat et ses concurrents tenteront de couvrir leurs coûts fixes élevés et d’amortir les investissements réalisés par de grandes entreprises agro-alimentaires et des investisseurs du capital-risque.

Le faible pouvoir de Beyond Meat sur la fixation des prix fait partie des choses à retenir de la publication de ses résultats, lundi dernier, et cela a choqué ses actionnaires.

Le chiffre d’affaires de 94,4 M$, réalisé au 3e trimestre par Beyond Meat, n’a progressé que de 2,7% d’une année sur l’autre, ce qui est bien en-dessous des attentes. Même après le sell-off de lundi-mardi, BYND conserve une capitalisation boursière ridiculement élevée de 8 Mds$.

Tout cela pour un fabricant de produits alimentaires non rentable, affichant de faibles marges, cerné de concurrents, et dont le chiffre d’affaires annuel de base, de 400 M$, risque de se contracter.

A titre de comparaisons, Tyson Foods, le géant de la viande, affiche une capitalisation boursière de 22 Mds$ et un chiffre d’affaires annuel de base de 42,6 Mds$.

Autrement dit, la capitalisation boursière de Tyson ne représente que trois fois celle de Beyond Meat alors que cette société réalise plus de 450 fois plus de chiffre d’affaires. C’est disproportionné.

En conservant l’action à ce prix, les actionnaires de Beyond Meat comptent sur le fait que l’entreprise va bel et bien écraser tous ses concurrents pendant de nombreuses années. Ils partent également du principe que les récentes baisses du cours ne sont qu’une petite embûche sur un chemin menant à une domination mondiale.

Les marges bénéficiaires de Beyond Meat ont été réduites par une baisse du prix net à la livre de ses produits, motivée par une « stratégie d’investissement axée sur les actions promotionnelles visant à inciter davantage les consommateurs à essayer puis adopter [les produits] ».

Les marges brutes ont nettement chuté, passant de 35,6% il y a un an à 27%, seulement, ce trimestre.

Les activités promotionnelles montrent clairement la faiblesse de la marque, et le côté optimiste des prévisions établies par l’équipe de direction concernant la demande.

La baisse du cours devrait démontrer fortement à ceux qui détiennent des actions surévaluées qu’ils doivent remettre en question leurs suppositions de future croissance illimitée de la demande.

BYND a fait l’objet de notre alerte du 28 janvier. Ce trade a été un succès, dans la mesure où Gaël vous a recommandé d’encaisser vos gains cinq semaines plus tard.

Le marché actuel abonde de cas semblables à Beyond Meat, où les actionnaires ignorent totalement les risques tels que la concurrence et la faiblesse des marges.

Ne manquez la prochaine alerte de Jim et Gaël.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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