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Alerte n°114 – Le point commun entre les actions surévaluées et le Bitcoin

Par 22 janvier 2021Alertes

Dan Amoss

Cher lecteur,

Dans mon commentaire du 7 janvier, j’ai décrit une menace à évolution lente, pour l’environnement de bulle actuel :

« Tant que la demande en faveur d’actions à l’évaluation absurde demeurera forte, de plus en plus de titres débarqueront sur le marché. Et une offre grandissante de nouvelles actions finira par faire baisser les prix des actions.

Imaginez que cela revient à dépressuriser lentement une bulle, plutôt qu’à la faire éclater rapidement. »

Ce commentaire abordait la probabilité que les futurs rendements des actions populaires surévaluées soient décevants.

Aujourd’hui, je vais aborder certaines conséquences économiques que cet environnement de bulle pourrait entraîner sur de nombreuses années.

Plus l’environnement de bulle actuel persistera, plus il infligera de dégâts sur la future économie.

Beaucoup d’entreprises, grandes et petites, s’aventurent loin de leurs cœurs de métiers, pour participer à ces activités de bulle. Ce phénomène ne se cantonne pas à un seul pays, ni à une seule culture, ni à une ère de l’Histoire. On le constate dans tous les systèmes financiers qui pénalisent l’épargne et encouragent la spéculation.

Par exemple, ces dernières années, les entreprises industrielles chinoises se sont engagées dans le développement immobilier afin de surfer sur ce qu’elles percevaient comme une vague de profits faciles. Cette démarche peut nous paraître ridicule, mais certaines personnes, à la tête de ces entreprises, ont pensé que c’était une bonne idée.

Voici un autre exemple, qui reflète à quel point la prise de risques extrêmes se propage des day-traders aux conseils d’administration des entreprises :

Aux Etats-Unis, quelques années à peine après le dernier éclatement de la bulle du Bitcoin, nous constatons que certains trésoriers d’entreprises spéculent sur le Bitcoin avec les précieux capitaux des actionnaires.

Le Bitcoin a ses fidèles. Jim a largement exprimé ses critiques à l’égard du Bitcoin, il y a des années, alors je ne vais pas les ressasser. Mais, en résumé, la principale faiblesse du Bitcoin est la suivante : si les autorités budgétaires et monétaires finissent par décréter qu’il représente une menace, elles pourraient l’anéantir.

Les défenseurs du Bitcoin rétorquent qu’un tel acte ferait fuir les utilisateurs vers des territoires plus hospitaliers et davantage tournés vers l’avenir.

Toutefois, si les autorités américaines pénalisaient ou bloquaient les liens entre le Bitcoin et les systèmes de paiement fondés sur le dollar, cela réduirait considérablement la demande en faveur de cette cryptomonnaie populaire, et pourrait entraîner l’effondrement de son cours. Et plus le prix du Bitcoin grimpe haut, plus il menace le système de paiement fondé sur le dollar.

L’or, c’est une autre affaire, non seulement parce qu’il est universellement reconnu comme réserve de valeur depuis des milliers d’années, mais également parce qu’il représente l’une des pierres angulaires des actifs de réserve des principales banques centrales du monde.

Selon un scénario du pire, où surviendrait une perte de confiance vis-à-vis des monnaies fiduciaires, les banques centrales pourraient rebâtir la confiance en ré-adossant leurs monnaies à l’or qu’elles détiendraient alors en réserve.

Toutefois, il est peu probable que l’on tente de réinstaurer des étalons-or, à court terme, car les banques centrales et les gouvernements ne voudraient pas museler – à titre préventif – leur flexibilité en matière d’émission et de dépenses, sauf effondrement de la confiance vis-à-vis de leur papier-monnaie et de leurs obligations.

Les cours de l’or sur les marchés privés grimperaient d’abord considérablement, à mesure que la confiance vis-à-vis des monnaies chuterait et, ensuite, le papier serait ré-adossé à l’or. Il est difficile d’imaginer que le Bitcoin prenne la place de l’or dans ce scénario.

Enfin, sur le thème du Bitcoin, j’ajouterai simplement qu’après y avoir réfléchi pendant des années, j’ai du mal à concilier ces questions :

 

1. Si la plupart des bitcoins sont détenus par des spéculateurs qui espèrent que le cours continuera de grimper à très long terme, pourquoi ces spéculateurs dépenseraient-ils leurs bitcoins en biens et services ?

On s’attend plutôt à ce que les haussiers sur le Bitcoin thésaurisent leurs bitcoins et se servent de la monnaie fiduciaire pour acheter des biens et services. Et si les haussiers ont l’intention de dépenser indirectement leurs bitcoins pour acheter des biens et services à l’avenir – en échangeant des bitcoins qui se sont appréciés contre des dollars, plus tard – alors ce serait affirmer qu’ils considèrent que la demande du marché en faveur des bitcoins sera encore plus élevée à l’avenir.

La seule façon dont la demande en faveur du Bitcoin pourrait augmenter, année après année, ce serait que la population la plus fortunée ait de plus en plus envie d’en acheter. Et si, dans ce scénario, une part grandissante du pouvoir d’achat de l’économie mondiale était immobilisée dans un bitcoin thésaurisé et qui ne circulerait pas, est-ce que cela ne poserait pas un problème, pour les gouvernements ?

 

2. Si, comme souligné plus haut, les bitcoins sont rarement dépensés ou transférés d’un utilisateur à un autre dans le monde réel, est-ce que cela ne sape pas l’une de leurs raisons d’être ?

Ne nous retrouverions-nous pas face à une situation où le prix du bitcoin serait fonction d’une demande spéculative en sa faveur, celle-ci augmentant lorsque le cours du bitcoin augmenterait et baissant lorsqu’il chuterait ?

Si c’était le cas, nous nous retrouverions dans une situation où le cours de marché du bitcoin serait entièrement motivé par une forte volonté des spéculateurs d’en acheter. Et lorsque cet enthousiasme retomberait, pour une raison ou une autre, il ne resterait pas grand-chose pour soutenir le cours.

 

J’ai fait ce détour, des actions spéculatives au Bitcoin, car il existe de nombreux parallèles entre ces deux catégories d’actifs spéculatifs.

Contrairement aux actions dont l’évaluation est raisonnable et reflète assez bien la trésorerie disponible qu’elles peuvent apporter aux actionnaires, les valeurs surévaluées sont portées par la confiance accordée à des « histoires » orientées sur l’avenir.

Lorsque ce discours capote, et que les flux d’argent s’inversent, l’entreprise sous-jacente n’offre aucun soutien permettant d’amortir la chute jusqu’à ce que les cours s’effondrent de 80%, 90%, ou plus.

L’engouement pour le Bitcoin a dépassé le périmètre des petits spéculateurs pour se propager aux entreprises, ces derniers mois.

Dans la rubrique Money Stuff du 19 janvier, sur Bloomberg, Matt Levine parodie les tendances présentes, dernièrement, dans l’univers du financement des entreprises :

« Si vous êtes directeur financier d’une société cotée, et chargé de gérer les réserves de trésorerie de l’entreprise, devriez-vous tout placer dans le bitcoin ? Devriez-vous entreprendre de lever plus de fonds pour acheter du bitcoin ?

 Vous pouvez répondre à cette question à différents niveaux de théorie.
Selon la réponse la plus simple, vous devriez placer l’argent de l’entreprise dans le Bitcoin, si le Bitcoin s’apprécie (car, là, vous aurez plus d’argent), mais pas s’il baisse (car, là, vous en aurez moins). Le Bitcoin a énormément grimpé, alors cette théorie suggère que, oui, les directeurs financiers auraient dû acheter des bitcoins. (Cela ne répond pas clairement à ce qu’ils devraient faire maintenant.)

Si vous avez placé des fonds de votre entreprise dans le bitcoin, au milieu de l’année 2020, lorsqu’il se négociait aux environs des 10 000 $, vous passez pour un génie, maintenant qu’il se négocie au-dessus des 37 000 $.

Ou, si vous avez vendu des obligations convertibles en décembre et utilisé les fonds pour acheter des bitcoins aux alentours des 20 000 $, c’est très bien. Avoir plus d’argent, c’est mieux qu’avoir moins d’argent.

Le bitcoin a énormément grimpé, l’an dernier. D’autres choses, notamment beaucoup d’entreprises normales exerçant leurs activités depuis longtemps, ont fait moins bien. Si vous êtes directeur financier d’une modeste société de vente au détail, et que vous avez emprunté un peu d’argent pour acheter du bitcoin, vous avez bien mieux agi dans l’intérêt de vos actionnaires que si vous aviez dépensé cet argent pour assurer l’entretien de magasins qui sont restés fermés pendant des mois à cause de la pandémie. 

Ce n’est pas une très… bonne… réponse ?

Votre réponse pourrait être un peu mieux ancrée dans le financement d’entreprise et, donc, plus ennuyeuse. Votre théorie pourrait être qu’une entreprise s’emploie à exercer un métier particulier – la vente par correspondance ou autre – et qu’elle devrait s’en tenir à ce métier. Elle devrait conserver suffisamment d’argent à disposition pour couvrir ses dépenses prévisibles, et elle devrait conserver ces fonds dans des produits liquides, peu volatils (compte en banque, SICAV) afin qu’ils soient toujours disponibles pour couvrir ces dépenses. Tout l’argent non nécessaire au maintien à flot de l’entreprise devrait, soit être réinvesti dans le cœur de métier, soit distribué aux actionnaires, de sorte qu’ils puissent l’investir où ils le souhaitent.

Cette théorie suggère que non, bien évidemment, les directeurs financiers ne devraient pas acheter de bitcoins

Lorsque MicroStrategy Inc., société cotée spécialisée dans la veille économique, a annoncé en août qu’elle plaçait des fonds de l’entreprise dans le bitcoin, son action a grimpé de 9% en un jour. Depuis cette annonce, elle a progressé de 368%. Le bitcoin n’a pas autant grimpé, sur la même période.

Si vous aimez le Bitcoin, pas en tant que réserve de valeur décentralisée ou avenir de la monnaie, ou autre, mais simplement en tant que truc volatil, tendance et amusant, sur lequel parier, vous devriez aimer encore plus MicroStrategy : elle est plus volatile et elle a encore plus grimpé. En outre, la proposition de MicroStrategy est un peu du genre « on offre une exposition au Bitcoin, mais de manière amusante ».

Pourquoi les gens en quête de divertissement, sur le marché actions, ne paieraient-ils pas le prix cher pour cela ?

Je parie que si une mid cap semi-anonyme annonçait demain « nous allons lever 500 M$ d’obligations convertibles et investir les fonds dans l’action Tesla », son action grimperait. C’est absurde : il n’y a aucune logique là-dedans, ni d’entreprise, ni financière. Il suffit d’associer votre nom à un mot tendance. « Amalgamated Widgets bla bla Tesla », et l’action Amalgamated Widgets grimpe, c’est ainsi que fonctionne la finance, maintenant, désolé. »

L’article de M. Levine saisit très bien l’atmosphère du marché actions en 2020. Ce n’est pas ainsi que marche la finance, dans une économie fonctionnant normalement. Mais c’est ainsi que la finance s’est mise à fonctionner dans beaucoup de secteurs de l’économie, actuellement, surtout ceux des technologies, des véhicules électriques et de la chaîne d’approvisionnement de l’énergie solaire.

Beaucoup d’argent est levé et injecté dans des initiatives d’entreprises à l’avenir très incertain.

Beaucoup de stock-options sont distribuées aux employés de ces entreprises, en rémunération, au lieu de salaires sonnants et trébuchants.

Si les rendements de ces investissements financiers optimistes, réalisés par les entreprises les plus populaires du moment, s’avèrent désastreux (en raison d’une future offre excédentaire et d’une baisse des prix), et que les stock-options ne valent plus rien, il y aura des conséquences économiques négatives.

Le rendement du capital investi pour l’ensemble de l’économie chutera, et le capital est rare. Par capital, j’entends les ressources physiques et intellectuelles d’une économie évoluant dans des conditions optimales fixées par les gouvernements. L’offre de monnaie fiduciaire et d’endettement public est presque illimitée, mais le véritable capital est rare.

Notre dernière recommandation, qui porte sur un fabricant d’onduleurs solaires surévalué, Enphase Energy (NASDAQ : ENPH), démarre bien.

ENPH a nettement chuté, vendredi dernier, lorsqu’il a été annoncé que les subventions d’installations de panneaux solaires ne feraient pas partie des premières priorités du nouveau gouvernement Biden. Cela reste important, pour Biden, sur le plan des promesses électorales, mais il semblerait qu’il y ait des priorités plus urgentes.

Rien, à part une déferlante de dépenses publiques planifiées de façon centrale – comme en Chine – par des gouvernements de toutes les économies riches du monde, ne pourrait offrir un avenir où les fondamentaux d’Enphase seraient en mesure de s’améliorer suffisamment pour justifier le cours actuel de son titre.

Nous nous situons dans un environnement favorable aux paris contre les actions surévaluées, alors nous avons l’intention de proposer encore ce type de trades au cours des mois à venir.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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