Cher lecteur de Zéro Carbone Millionnaire,
L’actualité de la semaine est marquée par la dichotomie entre les nouvelles qui nous proviennent de la sphère publique et celles de la sphère privée.
Au niveau politique, nous assistons au triste spectacle de tractations sans fin sur des sujets qui auraient dû être traités – et clos – depuis bien longtemps.
La nationalisation d’EDF, dont l’Etat détient aujourd’hui 96 % du capital, continue d’être l’occasion pour les blocs politiques de s’affronter sur des questions idéologiques. Un texte de loi socialiste de « nationalisation » sans « démantèlement » a été adopté à l’issue d’une séance houleuse, contre l’avis du gouvernement.
Bien sûr, l’OPA a déjà été votée et est quasiment achevée : le retour de l’énergéticien dans le giron de l’Etat ne fait plus de doute. Mais cela ne signifie pas que le mastodonte ne puisse jouer son rôle de pantin politique : les députés ont voté un article pour étendre le bouclier tarifaire énergétique à davantage de bénéficiaires, notamment aux artisans boulangers. En parallèle, ils ont fait graver dans le marbre les activités de l’énergéticien, empêchant de fait toute restructuration.
Sans préjuger du bien-fondé de ces mesures sociales, force est de reconnaître qu’utiliser EDF comme outil de politique redistributive nationale n’a jamais porté chance au groupe. Et l’expérience des précédentes grandes nationalisations (automobile, chimie, aluminium, tech, banques) montre que les entreprises concernées se sont progressivement éloignées des standards du marché libre, et ont vu leur pertinence commerciale s’éroder au fil du temps. Pour éviter à un groupe de la taille d’EDF, donc déjà sujet à l’inertie, de devenir une coquille vide, conserver un semblant de dynamisme est primordial.
Il n’y a qu’à se rappeler à quel point le consensus européen (France comprise) était pro-gaz et anti-nucléaire au début des années 2010 pour réaliser à quel point graver dans le marbre des solutions techniques aux problèmes énergétiques est un non-sens.
La sphère politique internationale ne fait guère mieux…
Alors que l’on pensait que la question était réglée, l’Allemagne n’est finalement plus d’accord pour que l’hydrogène issu des centrales nucléaires soit considéré comme vert dans la future directive européenne sur les énergies renouvelables (RED III). Pour la France, qui prévoit une augmentation significative du parc dans les 15 prochaines années, la question est cruciale.
Mais pour favoriser le solaire et l’éolien, Berlin entend bien limiter la notion d’hydrogène vert à celui issu d’énergies renouvelables (ce que le nucléaire n’est pas, dépendant de ressources minières par définition finies), tandis que Paris considère le critère des émissions de CO2 (sur lequel le nucléaire est quasi-neutre par rapport aux puissances générées).
Les négociations étant au point mort, la France envisagerait désormais de bloquer le projet de gazoduc à hydrogène géant, H2Med, qui vise à faire naître une véritable autoroute européenne de l’hydrogène en reliant Espagne, France et Allemagne par une infrastructure commune.
Alors que la France et l’Allemagne sont les locomotives du secteur naissant de l’hydrogène-énergie en Europe, les deux pays qui s’accordent sur 90 % des points risquent paradoxalement de bloquer l’ensemble des projets pour quelques désaccords à la marge.
Heureusement, en parallèle de ces tractations, le secteur privé continue d’avancer sur la transition énergétique avec des résultats bien tangibles.
Linde toujours en croissance
Le gazier allemand Linde (NYSE : LIN), très impliqué dans l’écosystème naissant de l’hydrogène vert, a achevé l’année 2022 sur un chiffre d’affaires de 33,4 Mds$, en hausse de 8 % par rapport à 2021. La marge brute dépasse les 5 Mds$, également en hausse de 8 %, tandis que le bénéfice par action ajusté s’envole pour sa part de 15 %, à 12,29 $.
Sur 2023, la croissance devrait être encore au rendez-vous avec une progression de l’activité attendue aux alentours des +10 %.
A plus long terme, le groupe a également annoncé son intention d’augmenter sa capacité de production d’hydrogène vert à Ontario, en Californie. En utilisant des électrolyseurs PEM (membrane échangeuse de protons) d’une puissance de 5 MW, le groupe compte éviter l’émission annuelle de 75 000 tonnes de CO2 .
Selon le communiqué de presse, cet hydrogène sera majoritairement utilisé pour le secteur du transport. La mise en service devrait avoir lieu en fin d’année prochaine.
MON CONSEIL
Conservez Linde (IE00BZ12WP82 – NYSE : LIN),
ou achetez en repli sous 300 $ si vous n’en avez pas.
PowerCell : +56 % sur un an !
Le Suédois PowerCell (FRA : 27W), également présent sur le secteur de l’hydrogène avec ses piles à combustible, a lui aussi signé une excellente année 2022. Le chiffre d’affaires a bondi à plus de 244 millions de couronnes suédoises (21 M€), soit une hausse de +56 % sur l’année.
Fait rassurant, cette augmentation de l’activité ne s’est pas faite au prix d’un creusement du déficit, qui a plutôt tendance à se résorber à -58 MSEK (contre -75 MSEK en 2021). Il passe ainsi de 47 % du chiffre d’affaires 2021 à 23 % du chiffre d’affaires 2022.
Ici encore, les nouvelles opérationnelles sont bonnes : le vol inaugural de l’avion propre ZeroAvia, dont je vous parlais en début d’année, a bien eu lieu avec succès. Il ne reste désormais plus qu’à l’avionneur de faire certifier le modèle et les processus de fabrication… et PowerCell pourra faire son incursion dans un marché de la motorisation propre des petits aéronefs ZeroAvia estimé par la startup à 1,5 MdSEK.
Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, PowerCell a débuté la dernière phase de négociation avec un armateur norvégien pour l’équipement de deux ferries (passagers et fret) qui seront alimentés par piles à combustible. En tant que fournisseur unique, PowerCell fournira des PaC de 6 MW de la gamme Marine System 200, adaptées à l’environnement agressif des conditions marines.
MON CONSEIL
Achetez PowerCell (SE0006425815 – FRA : 27W)
sous les 30 € si vous n’en avez pas.
Yara, les engrais dans le vert
Notre investissement « contrarien » de 2022, qui consistait à prendre le contre-pied de la pénurie de gaz en Europe occidentale pour investir sur le fabricant d’engrais Yara (FRA : IU2), porte ses fruits.
Du fait de son exposition internationale et de ses investissements dans la transition énergétique, le groupe est parvenu à rester largement dans le vert en 2022 tout en conservant des perspectives de décarbonation de l’activité.
Malgré la pénurie de gaz en Europe et le débrayage d’usines qui a fait diminuer les quantités d’engrais produites de 10 %, la maîtrise des prix a permis de faire croître le chiffre d’affaires qui a atteint les 24 Mds$, soit une hausse de +45 %.
L’EBITDA ressort à près de 5 Mds$ contre 2,8 Mds$ un an plus tôt, soit un quasi-doublement. Et, au niveau du résultat net, la progression est encore plus spectaculaire : 2,73 Mds$ contre 384 M$ en 2021, soit une progression inouïe de +624 % ! Une performance remarquable alors que le coût de l’énergie payé par le groupe a bondi de +134 % sur la même période.
Cette résilience, qui était au cœur de notre thèse d’investissement, devrait se poursuivre cette année. Yara reversera aux actionnaires 65 NOK par action (dont 55 NOK par versement de dividende), soit une rémunération inégalable de 14 % au cours actuel.
Profitez de la méconnaissance du marché pour vous placer sur ce dossier encore décoté.
MON CONSEIL
Achetez Yara International (O0010208051 – FRA : IU2)
sous les 51,2 € si vous n’en avez pas.
Vous nous écrivez :
que penser de la gigafactory d’Enel ?
« Bonjour Etienne
Enel vient d’annoncer un investissement majeur dans son usine italienne de Catane pour produire jusqu’à 3GW de panneaux solaires.
Intéressant pour nous dans une logique européenne ? »
J-Philippe D.
Bonjour J-Philippe
Merci pour votre message.
Le plan d’Enel est effectivement significatif à l’échelle des capacités de construction européennes. Avec 600 M$ pour agrandir l’usine de 3Sun, l’Italien compte multiplier par 15 sa capacité de production.
Cela reste un gros pari face à la Chine qui produit plus de 80 % des panneaux solaires de la planète, et qui n’est plus uniquement » l’usine du monde » sur ce sujet mais aussi son laboratoire de recherche. Les progrès de JinkoSolar (NYSE : JKS), qui bat régulièrement des records mondiaux d’efficacité, en sont la preuve.
En pratique, Enel va voir sa capacité de production annuelle passer de 200 MW à 3 000 MW (3 GW). Un grand pas pour le groupe, mais une goutte d’eau par rapport aux 44 GW livrés par JKS, que nous avons en portefeuille, l’année passée.
A mon sens, c’est une bonne nouvelle pour le groupe Enel s’il parvient à écouler sa production à tarif compétitif. Cela ne changera pas pour autant les grands équilibres mondiaux entre producteurs, ni même la balance commerciale européenne (3 GW produits à terme vs 42 GW de panneaux solaires importés en 2022).
Dilués dans les comptes d’un groupe qui fait un chiffre d’affaires annuel de 140 Mds€, ces 3GW de panneaux solaires ne justifient pas pour moi d’entrer le dossier en portefeuille – mais si vous êtes déjà actionnaire, c’est effectivement une bonne nouvelle car il s’agit de 600 M€ bien utilisés.
Excellente semaine,
Etienne Henri
Zéro Carbone Millionnaire
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