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Alerte n°111 – L’offre de nouvelles actions va dépressuriser la bulle

Par 7 janvier 2021Alertes

Dan Amoss

Cher lecteur,

Beaucoup d’investisseurs pensent que rien ne peut stopper la bulle de marché actuelle.

Traditionnellement – tout au long de l’Histoire – ce sont les resserrements des politiques des banques centrales ou des conditions de financement du secteur privé qui ont fait éclater les bulles.

Ceux qui sont dans un état d’esprit haussier, à l’heure actuelle, peuvent être tranquilles, sachant que les banques centrales « assurent leurs arrières ». Les banquiers centraux ont promis de ne pas relever les taux d’intérêt pendant des années, alors aucune menace de resserrement des conditions financières n’est perceptible.

Mais ils ne devraient pas avoir l’esprit si tranquille, toutefois. Car une nouvelle menace à évolution lente – guettant ce contexte de bulle – est en train d’émerger : tant que la demande en faveur d’actions à l’évaluation absurde demeurera forte, de plus en plus de titres débarqueront sur le marché.

Un volume grandissant de nouvelles actions peut avoir un impact sur les cours de l’intégralité du marché (même sur les entreprises qui réduisent le volume en rachetant leurs propres titres). Imaginez que cela revient à dépressuriser lentement une bulle, plutôt qu’à la faire éclater rapidement.

A moins de verser régulièrement dans un portefeuille d’actions de nouveaux capitaux provenant d’une source récurrente de revenu, les investisseurs doivent vendre quelque chose, au sein du portefeuille, pour faire de la place aux nouvelles actions. Selon le volume de nouvelles actions qui débarque, cela peut exercer une pression à la baisse sur le cours des valeurs existantes.

Beaucoup de tendances – notamment un recul rapide du goût du risque au sein de la cohorte la plus aisée des baby-boomers retraités qui investissent – suggèrent que la demande en faveur des actions les plus risquées va baisser, au cours des années à venir. Pourtant, ironiquement, la plupart des gens se comportent comme si la demande en faveur des actions les plus risquées allait se maintenir pendant des années aux mêmes niveaux que 2020.

Le 30 décembre, le Wall Street Journal a publié un article intitulé Record IPO Surge Set to Roll On In 2021 [NDLR : L’augmentation record des introductions en Bourse (IPO) devrait persister en 2021]. Il défend l’idée que cette euphorie constatée l’an dernier sur le marché a dépassé celle de la période frénétique des dot-com, en 1999. Mais il indique également que la fête pourrait persister en 2021.

Voici les points clés :

« Selon Dealogic, cette année, au 24 décembre, les entreprises ont levé 167,2 Mds$ via 454 émissions de titres, sur les Bourses américaines, par rapport au précédent record de 107,9 Mds$ enregistré sur une année entière à l’apogée du boom des dot-com, en 1999. »

Et là, l’article note que le rythme des levées de fonds liées aux IPO s’est brutalement accéléré au quatrième trimestre :

« La pandémie de coronavirus a bouleversé le rythme traditionnel du marché des IPO, avec 67,3 Mds$ levés au quatrième trimestre. C’est environ six fois le total des trois premiers mois de l’année. »

Permettez-moi de faire un bref aparté, car c’est instructif…

La presse financière conventionnelle américaine cite souvent l’image du « cash on the sidelines » [NDLR : « l’argent sur la ligne de touche », c’est-à-dire les capitaux en attente d’investissement]. Et voici pourquoi cette image est trompeuse : à tout moment, tout titre qui a été émis – que ce soit une action, une obligation, une option ou un ETF – doit être détenu par quelqu’un, jusqu’à son retrait.

Les actions et obligations peuvent être retirées dans le cadre de fusions, acquisitions, rachats de titres, refinancements, adjudications, ou pour cause de faillite. Les options doivent être détenues par quelqu’un, et peuvent être activement négociées, jusqu’à ce qu’elles soient exercées ou qu’elles expirent sans aucune valeur.

Comme tout titre existant sur le marché doit être détenu par quelqu’un, il n’y a pas de « cash on the sidelines », globalement. Si les soldes des fonds monétaires augmentent (une marée montante de « cash on the sidelines », en apparence), ils le font parce que les entreprises et les gouvernements décident d’émettre davantage de dettes à court terme, et parce que certaines entités veulent bien les acheter.

Si tous les actifs d’une personne sont constitués à 100% d’actions, elle peut avoir l’impression que les autres personnes détentrices de liquidités attendent sur le banc de touche. Cette perception comporte un biais optimiste haussier. Elle présume que ce n’est qu’une question de temps avant que ces détenteurs de liquidités débarquent sur le marché pour acheter des actions (peut-être les vôtres) avec leur argent.

Pourtant, si ces acheteurs potentiels arrivent sur le marché, ils échangeront simplement leur argent contre des actions lorsque le trade sera réalisé. Le vendeur de l’action détiendra alors cet argent que possédait auparavant le détenteur de liquidités. Avant un trade, une personne détient de l’argent, et l’autre des actions. Après le trade, elles échangent ce qu’elles détenaient.

Mais si ce n’est pas une hypothétique future déferlante de capitaux qui détermine forcément les changements de prix, sur le marché actions, alors qu’est-ce c’est ?

Le facteur clé, c’est la volonté des acheteurs et des vendeurs de réaliser une transaction. Si les acheteurs veulent vraiment détenir les actions qui sont offertes sur le marché, alors ils font grimper le prix de l’action offerte à la vente. Si les vendeurs sont impatients de se débarrasser de leurs actions, alors ils peuvent accepter une offre se situant bien en-dessous de la dernière cotation.

Revenons à présent à l’article du Wall Street Journal, sur le boom des IPO…

Il s’avère que les banquiers de Wall Street et les promoteurs de SPAC [NDLR : Special purpose Acquisition Corporation : aux Etats-Unis, société sans activité opérationnelle qui a pour objectif d’acquérir des entreprises et des actifs via des acquisitions] peuvent créer de nouveaux titres à un rythme assez rapide pour pouvoir satisfaire les désirs les plus fous de détenir des actions recherchées.

Ces vendeurs de nouveaux titres sont souvent motivés et enthousiastes. Certains sont des investisseurs du capital-risque « assis » sur des gains importants réalisés lors de levées de fonds dans le secteur privé, et qu’ils souhaitent optimiser, fiscalement, dans le cadre d’une IPO ou d’une transaction liée à une SPAC.

Le point essentiel de ce commentaire est d’affirmer qu’une offre incessante de nouveaux titres (actions, émissions liées aux SPAC, obligations d’entreprises, etc.) pourrait, au bout du compte, être l’aiguille qui fera éclater la bulle actuelle. Ou, si cela ne parvient pas à percer la bulle, les nouvelles offres de titres entraîneront au moins une dépressurisation de la bulle.

Il y a une chose de plus à considérer.  Cela pourrait faire abonder la nouvelle offre d’actions et d’obligations d’entreprises, à l’avenir…

A cause des intervention et sauvetages répétés, l’économie mondiale est progressivement devenue moins efficiente, s’agissant d’attribuer les capitaux aux meilleurs usages.

Au contraire, les capitaux se retrouvent piégés dans des entreprises qui devraient avoir fait faillite depuis longtemps. Ils sont peut-être investis dans des biens d’équipement qui génèreront un rendement profondément négatif, au bout du compte.

Par exemple, lors de la bulle des dot-com, on a construit trop de lignes de communication en fibre optique. On pourrait faire un parallèle, aujourd’hui, avec les centres de traitement de commandes en ligne ou les usines de véhicules électriques.

Peu d’investisseurs imaginent un avenir où les actions et les entreprises les plus populaires ont largement estimé la demande en faveur de leurs produits tout en sous-estimant l’offre de la concurrence. Mais l’histoire montre que ces erreurs se produisent tout le temps.

La différence cruciale entre les exemples historiques et maintenant, c’est que ce flux de capitaux stupéfiant, plus des conditions de financement accommodantes pour les obligations d’entreprise et les actions, plus des banques centrales et gouvernements agressifs, sont autant d’éléments suggérant que les actions les plus populaires paieront cher.

L’article du Wall Street Journal conclut ainsi :

« Quelle que soit la méthode, l’intérêt des start-ups pour une introduction en Bourse ne montre aucun signe d’affaiblissement. John Chirico, co-directeur des activités nord-américaines bancaires, financières et de conseil de Citigroup Inc., a déclaré que les entreprises « cernent l’avantage et la valeur d’une introduction en Bourse comme jamais auparavant ». »

Est-ce que cela colle avec la notion, selon l’article, que la recrudescence d’IPO devrait « persister en 2021 » ? Dans un sens, oui : actuellement, les entreprises non cotées ont le sentiment qu’il est urgent d’entrer en Bourse. Et ce sentiment d’urgence va probablement durer des mois.

La question de savoir si la demande des marchés va demeurer assez forte pour absorber toute cette offre à des prix élevés reste ouverte.

Peut-être que la demande des investisseurs en faveur d’actions spéculatives demeurera élevée, ou même s’amplifiera en 2021. Toutefois, les données et l’histoire suggèrent que la demande est rarement devenue aussi intense qu’en 2020.

Nous nous situons dans un environnement favorable aux paris contre les actions surévaluées, alors nous avons l’intention de proposer à nouveau ce type de trades au cours des mois à venir.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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