Cher lecteur,
L’attaque qui a visé des sites pétroliers saoudiens, le week-end dernier, nous a rappelé brutalement que, sur le long terme, le pétrole est plus rare que l’argent frais.
Au bout du compte, ce sont les consommateurs de pétrole et de gaz qui payent ces produits avec de l’argent puisant sa source dans les banques centrales et les banques commerciales.
Alors cela vaut la peine de se poser la question suivante : « Qu’est-ce qui est plus rare ? Le pétrole ou l’argent fraîchement imprimé ? »
A court terme, l’approvisionnement en pétrole est traditionnellement abondant, et la demande fluctue gentiment en fonction des tendances économiques.
Toutefois, sur le long terme, il est clair que les consommateurs de pétrole, partout dans le monde, ont facilement accès à de l’argent fraîchement imprimé et au crédit. Il est bien plus aisé d’obtenir cet argent fraîchement imprimé que de maintenir cette énorme base d’approvisionnement mondial en pétrole.
C’est ce qui fait que la demande en faveur du pétrole oscille entre relative stabilité et tendance à la hausse au fil du temps.
Même en supposant que l’adoption des véhicules électriques progresse concrètement, la demande mondiale en faveur du pétrole devrait tout de même augmenter au cours des années à venir. Il faudra des dizaines d’années avant que le parc automobile ne devienne entièrement électrique. De plus, de grandes quantités de pétrole sont consommées dans le cadre d’activités qui ne vont pas être « électrifiées », notamment le transport maritime, les vols commerciaux et les plastiques.
L’approvisionnement mondial en pétrole est souvent pris pour acquis, comme l’ont démontré ce week-end les attaques visant l’Arabie saoudite.
La plupart des observateurs du marché pétrolier le considèrent comme un marché libre. Les compagnies pétrolières nationales fournissent un fort pourcentage des exportations de pétrole dans le monde, et peu d’entre elles réinvestissent suffisamment de capitaux pour remplacer la production actuelle.
Ces sociétés nationales ont tendance à être considérées comme des tirelires permettant de financer les subventions publiques. Par conséquent, elles investissent rarement dans de nouveaux programmes de forage pour soutenir la production. La liste des pays exportateurs de pétrole confrontés à des difficultés de production est vaste, mais le Venezuela caracole en tête.
La compagnie nationale pétrolière mexicaine a accès à une technologie de forage de pointe provenant de prestataires américains, mais sa production de pétrole ne représente que la moitié, environ, de ce qu’elle était en 2004.
Un tiers de l’approvisionnement mondial en pétrole provient de sites offshore. Or, si l’on se fie aux maigres carnets de commande des compagnies de forage offshore, il sera difficile de maintenir cette importante source d’approvisionnement.
L’augmentation de la production de pétrole de schiste, aux Etats-Unis, comble la baisse de production constatée partout ailleurs, mais il deviendra chaque année plus difficile de la maintenir. Après le lancement de la production, les puits de pétrole de schiste déclinent rapidement au bout d’un an ou deux. Le secteur doit donc forer à un rythme plus rapide que dans le secteur pétrolier « traditionnel ».
De récents rapports financiers émanant de compagnies pétrolières dont les activités se situent dans le Bassin permien et la Formation de Bakken ont révélé que la productivité du capital est en train de devenir un problème. Autrement dit, pour diverses raisons techniques et opérationnelles, le prix d’équilibre du pétrole de schiste s’avère plus élevé qu’on ne le pensait au départ.
Bien entendu, on peut puiser dans le crédit facile que j’ai mentionné plus haut pour financer de nouveaux forages de pétrole de schiste. Toutefois, les dirigeants des compagnies de pétrole de schiste sont persuadés par leurs actionnaires de se concentrer sur l’efficience du capital et les flux de trésorerie disponible, plutôt que sur la croissance de la production. Alors il faudrait des mois de forte hausse soutenue des cours du pétrole pour convaincre ces sociétés de prendre plus de risques financiers et de ré-accélérer les programmes de forage.
Tout cela nous amène à envisager qu’il se pourrait que l’approvisionnement pétrolier – bien plus que la politique des taux d’intérêt de la Fed – constitue la plus forte contrainte économique, à court terme.
Est-ce que davantage d’entreprises auraient envie de se développer et d’embaucher si leur ligne de crédit baissait de 1%, par rapport à ses niveaux actuels ? Peut-être, mais il est plus probable que le comportement de ces mêmes entreprises serait davantage influencé par la hausse des cours du pétrole. En effet, elles pourraient subir une augmentation de leurs coûts d’exploitation, ou bien constater une baisse de fréquentation de leur clientèle, à mesure que la hausse des cours du pétrole entamerait le budget de ces clients.
Que l’Arabie saoudite s’engage ou non dans un conflit armé avec l’Iran, à la suite des attaques du week-end, le fait qu’un tel volume de l’approvisionnement mondial ait été neutralisé aussi rapidement va maintenir une « prime géopolitique » élevée sur les cours du pétrole.
S’il s’agit de la première frappe précédant un conflit impliquant l’envoi de missiles ciblant des sites d’exploitation pétrolière, de part et d’autres du Golfe persique, les cours atteindront des niveaux qui paralyseraient temporairement la plupart des entreprises. Il s’agit encore d’un scénario aux probabilités peu élevées, et que personne ne souhaite envisager, mais il reste possible.
Les entreprises objet de nos paris à la baisse sont vulnérables, dans un contexte de hausse persistante des cours du pétrole, notamment le fabricant de matelas que nous avons recommandé, Tempur Sealy International (NYSE: TPX), et la chaîne de magasins Nordstrom (NYSE: JWN).
Le processus de fabrication de Tempur Sealy consomme du pétrole et des produits chimiques dérivés du pétrole, alors la société va peut-être tenter d’augmenter ses prix pour soutenir ses marges bénéficiaires. Mais parvenir à augmenter les prix dans l’environnement très concurrentiel du secteur de la literie pourrait s’avérer compliqué.
Si Nordstrom n’est pas exposée aussi directement au pétrole, elle l’est tout de même indirectement. La hausse des cours du pétrole force les clients des chaines de magasin à dépenser davantage en essence, et ils ont donc moins d’argent à consacrer à leurs dépenses discrétionnaires.
Nous suivons ces positions et nous vous enverrons une alerte s’il faut intervenir.
Bien à vous,
Dan Amoss, CFA
Analyste