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Alerte n°27 – Un exemple flagrant de complaisance qui se termine mal

Par 18 octobre 2019Alertes

Les grands indices, notamment le S&P 500, fluctuent à la hausse et à la baisse en fonction des nouvelles concernant les accords commerciaux et les mesures prises par les banques centrales.

Et, dans l’ombre des indices, il existe de nombreux cas où des investisseurs complaisants se font matraquer par des risques qui auraient pu être aisément anticipés.

Prenons le cas du fournisseur d’énergie californien en faillite, PG&E Corp. (NYSE : PCG), objet de notre tout premier trade.

Voilà un exemple flagrant où la complaisance des investisseurs s’est achevée sur un effondrement de l’action de 60% en quatre mois.

Dans notre alerte du 28 juin, nous avions décrit en détail pourquoi les investisseurs détenant des  actions de PCG négligeaient des risques manifestes et imminents, alors que l’action se situait aux alentours des 22$.

En voici les principaux extraits :

« La plupart des politiciens, des clients et des employés veulent clairement que PG&E reste intacte et fonctionne aussi bien que possible à mesure que le dossier de faillite avance.

Mais cela ne signifie pas pour autant que les actionnaires du groupe PG&E sortiront du chapitre 11 [qui régit les faillites aux USA] avec leur droit de propriété intact.  En fait, les droits des actionnaires sont susceptibles d’être soit anéantis, soit massivement dilués par le processus du chapitre 11.

A 22$ par action, la capitalisation boursière de PG&E s’élève à 11,5 milliards de dollars.  Les actionnaires qui détiennent les actions à ce prix font le pari implicite que les actifs de la compagnie valent au moins 11,5 milliards de dollars de plus que son passif. […]

Le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, a déjà apporté un soutien important aux actionnaires de PCG en proposant des modifications des lois de l’État sur la responsabilité en cas de « condamnation inverse ». [loi ouvrant droit à indemnisation des propriétaires de biens détruits du fait d’un usage public, NDLR]. Un changement donnerait à PG&E et aux autres services publics plus de protection contre leur responsabilité légale en cas d’incendies de forêt à l’avenir.

Cependant, l’aide du gouverneur Newsom n’est pas illimitée. D’un point de vue politique, il ne peut pas se permettre de renflouer les hedge funds qui détiennent des actions PCG aux dépens des clients des services publics. […]

Dans un texte déposé mardi dernier auprès du tribunal des faillites (dossier n°2741), un comité de créanciers de premier rang (détenteurs de bons senior) de PG&E a présenté une liste de conditions qui décrivent les investissements nécessaires pour donner à PG&E une assise financière suffisamment solide pour qu’elle puisse sortir du chapitre 11.

Le point principal évoque un besoin d’argent frais de 30 milliards de dollars (« nouveaux investissements ») […].

Cette proposition du comité des créanciers pourrait gagner du terrain dans les semaines et les mois à venir. Dans l’affirmative, ce serait une mauvaise nouvelle pour les actionnaires de PG&E à cause de la dilution que ces 30 milliards de dollars de levée de fonds engendrerait. »

Les actionnaires de PCG comptaient sur le fait que la proposition de ce comité ne retiendrait pas l’attention. C’est remarquable, si l’on considère que les créanciers ont proposé de l’argent frais à une entité en faillite qui, de toute évidence, avait besoin de tous les fonds qu’elle pouvait lever pour retrouver une situation financière saine.

Et l’action PCG s’est effondrée de 11$ à 8$ le 10 octobre, une fois que le juge des faillites a autorisé les créanciers à déposer leur proposition.

La proposition des créanciers, qui rivalise avec le plan de PG&E, propose des milliards de dollars supplémentaires pour répondre aux demandes d’indemnité des victimes de l’incendie. Elle transfèrerait également le contrôle de la société aux créanciers, ce qui représente une sérieuse menace pour les actionnaires de PCG : les titres des actionnaires seraient massivement dilués, car la société sortirait de la faillite avec bien plus d’actions en circulation. Les nouvelles actions seraient accordées aux créanciers en contrepartie d’un effacement de la dette.

Et comme si cela ne suffisait pas, la semaine dernière, le risque de nouveaux incendies dans la zone desservie par PC&E a poussé l’entreprise à imposer des blackouts qui ont déclenché la fureur de sa clientèle. Des histoires de manque à gagner, d’aliments gâchés et de perturbation massive de la vie quotidienne de 2 millions de consommateurs ont saturé les ondes.

Le gouverneur Newson a réclamé que PG&E rembourse les consommateurs et les entreprises, avec la nuance suivante, qui a son importance : les remboursements devront être financés par les actionnaires, et non les contribuables.

Les actionnaires de nombreuses sociétés – après avoir été traités avec ménagement pendant dix ans par les gouvernements et régulateurs – se sentent probablement à l’abri de tout. Mais ils ne devraient pas car, en politique, le vent peut rapidement tourner.

Dans notre commentaire de juin, nous indiquions que la saison des feux de forêt de 2019 était en cours et qu’elle pourrait accroître considérablement les réclamations sur les actifs de PG&E. Or le fait d’imposer des blackouts est une manière d’accroître ces réclamations. La direction de PG&E a dû préférer les risques juridiques et financiers que posaient un blackout, aux risques de nouvelles réclamations liées à d’éventuels incendies.

Là encore, tous ces risques étaient prévisibles et extrêmement probables, en juin dernier. Alors pourquoi le cours de l’action de PCG était-il de 22$ ?

A mon avis, voici le facteur le plus puissant expliquant la complaisance des actionnaires de PCG : au bout de dix ans de suprématie des actionnaires, la plupart des investisseurs partent simplement du principe qu’ils gagneront toujours à la fin.

Les souvenirs des marchés baissiers de 2007-2008 et de 2001-2002 semblent s’être dissipés, mais de nombreuses actions finissent par tomber à zéro. Et si elles ne tombent pas à zéro, beaucoup d’entre elles subissent des pertes de 95%, voire plus, dans le contexte de faillites où les créanciers finissent par prendre le contrôle des sociétés qui « brûlent » de la trésorerie et sont à court de nouveaux investisseurs (ce qui est le cas, en ce moment, avec WeWork, le Pets.com du cycle actuel).

La plupart des investisseurs d’aujourd’hui n’ont pas encore connu un marché baissier. Ils ont profité de la baisse du coût d’endettement des entreprises, des faibles coûts de main-d’œuvre (jusqu’à une période récente), de la diminution de la fiscalité des entreprises et, globalement, de réglementations favorables.

Et ils partent du principe que ces tendances ne vont pas s’inverser.

Beaucoup d’entre eux ont massivement investi dans des fonds indiciels, en partant du principe qu’ils leur rapporteraient 10% de rendements composés jusqu’à la retraite, et ce à partir des fortes évaluations actuelles.

Est-il raisonnable de penser que tous ces facteurs – les coûts d’endettement des entreprises, le coût de la main-d’œuvre, la fiscalité et les réglementations – demeureront aussi favorables au cours des dix prochaines années ? Je ne parierai pas là-dessus.

Le risque d’un redoutable marché baissier ne serait pas si élevé si les actions se négociaient à des niveaux plus bas, actuellement. De faibles évaluations offriraient une marge de sécurité si les fondamentaux devenaient négatifs car les pertes enregistrées entre le pic et le creux ne seraient pas aussi considérables. Mais il ne fait aucun doute que les évaluations sont élevées.

Ceux qui argumentent que les actions sont bon marché parce que les taux d’intérêt sont bas négligent le fait que les contextes où les taux d’intérêt sont bas vont main dans la main avec une croissance économique terne et de faibles profits.

En résumé, nous sommes face à une grande quantité de candidats sur lesquels parier à la baisse (short). Il existe un grand nombre d’actions surévaluées dont les investisseurs négligent certains risques significatifs.

Lorsque nous avons parié contre PCG, cela s’est bien passé. Dès le mois d’août, Gaël vous a permis de réaliser un excellent gain annualisé, grâce aux options recommandées, l’action PCG ayant chuté de 22$ (au moment de notre alerte) à 15$. Elle aurait tout aussi bien pu atteindre les 8$ mais il aurait fallu deux mois de plus.

Nous constatons toujours énormément de complaisance, chez les investisseurs, en ce qui concerne nos derniers scénarios de short, notamment Yum! Brands (NYSE : YUM), le fabricant de literie Tempur Sealy International (NYSE : TPX) et l’exploitant de magasins Nordstrom (NYSE : JWN).

Nous suivons ces positions et nous vous enverrons une alerte s’il faut intervenir.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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