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Alerte n°61 – Nous entrons dans une phase de « tri des entreprises »

Par 23 mars 2020Alertes

Dan Amoss

Cher lecteur,

Dans le contexte de la crise du coronavirus, nous entrons désormais dans la phase de « tri » des entreprises.

Le tri – dans un contexte appliqué à la gestion de patients – est défini comme suit : « Attribution des niveaux d’urgence de certaines blessures ou maladies afin de décider l’ordre de traitement d’un grand nombre de patients ou de victimes. »

Le coronavirus ne se contente pas d’infliger un lourd bilan humain, les dégâts qu’il inflige également à certaines entreprises dépassent ceux de la crise de 2008.

En 2008, beaucoup d’entreprises ont subi une soudaine contraction du crédit, lorsque la valeur du collatéral soutenant le système financier s’est effondrée et que les contreparties ont perdu toute confiance les unes vis-à-vis des autres.

Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises sont confrontées à une interruption jusqu’à nouvel ordre de leurs activités, et à une reprise incertaine ensuite.

Ces entreprises en contact avec le consommateur ne sont ni conçues ni préparées dans la perspective d’un événement tel que cette pandémie de coronavirus. La plupart exercent avec de faibles marges bénéficiaires, exigent beaucoup de capitaux et sont très endettées.

Dans notre commentaire du 12 juillet 2019,  nous expliquions en détail que l’une de ces entreprises, American Airlines Group (NASDAQ : AAL), pourrait faire faillite à la moindre récession.

La direction d’AAL a réagi avec lenteur aussi bien aux problèmes liés au Boeing 787 MAX qu’à la crise du coronavirus. Au lieu d’affecter le moindre dollar de trésorerie disponible – en période faste – au remboursement de ses dettes, elle a choisi de racheter des actions.

A présent, alors que ses lobbyistes réclament un prêt au Congrès pour survivre à cette période difficile pour tout le secteur, les opposants aux opérations de sauvetages favorisant les actionnaires brandissent la preuve que la plupart des compagnies aériennes ont géré leurs finances de façon téméraire lorsque tout allait mieux.

Plus tard, après quelques restructurations de bilan, le secteur du transport aérien considèrera probablement les dettes comme un gros mot.

Il est probable qu’il utilisera le moindre sou de trésorerie disponible pour distribuer des dividendes au lieu de racheter des actions (qui dégringolent lors d’une récession, moment où, par manque de capitaux, il est impossible de les racheter bon marché).

Les rachats d’actions vont probablement devenir un sujet politique, en cette année électorale, et devraient donc perdre de leur popularité. Ces rachats peuvent être des véhicules utiles en vue de doper la valeur actionnariale, mais seulement pour les entreprises créant régulièrement de la valeur, et seulement lorsque cela se pratique à un prix raisonnable. Or les compagnies aériennes, avec leurs modèles de type « expansion et récession » – et une concurrence intense – ne correspondent pas à cette description.

Il semblerait que certaines compagnies telles qu’AAL figurent en tête de ce « tri », considérant qu’elles ont les modèles économiques les plus fragiles, et qu’elles ploient sous les dettes.

Ce « tri d’entreprises » peut se concevoir ainsi : les responsables politiques choisissent quelles entreprises seront sauvées.

Qu’est-ce que cela veut dire, être sauvé ? Les actionnaires vont-ils voir leurs actifs disparaître, ou se faire diluer par les mécanismes de prêt d’urgence du gouvernement ?

Il s’est passé quelque chose de similaire, pour les valeurs bancaires, en 2008. Certaines d’entre elles, comme Citigroup, exigeaient tellement de capitaux, en prêts et garanties de crédit, et dans le cadre du plan Paulson, que cela a généré une dilution massive. Les dilutions les plus importantes ont provoqué des pertes permanentes, pour les actionnaires de la banque.

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Cours de l’action Citigroup depuis 2006.
Cliquez sur l’image pour l’afficher en grand.

Observez ce qui s’est passé pour le titre Citigroup, avant et après le sauvetage via le plan Paulson. De 2008 à 2009, le nombre d’actions Citigroup en circulation a été multiplié par plus de cinq. Cela a eu pour effet de dévaluer de 80% chaque action de catégorie C.

Quelque chose de semblable pourrait arriver aux actionnaires des compagnies aériennes, des croisiéristes et du secteur du tourisme et des loisirs, autant d’entreprises dont les revenus ont chuté de 50 à 90%, et qui sont déjà lourdement endettées.

Même lorsque le pire de la crise du coronavirus sera passé, on peut supposer qu’il n’y aura pas une « reprise en V », sur le plan des chiffres d’affaires. Beaucoup de consommateurs vont peut-être modifier leurs habitudes de voyage pendant longtemps. Contrairement à la période post-11 septembre 2001, où les probabilités d’être touché par de nouveaux attentats étaient infinitésimales, la chance d’être contaminé lors d’une réapparition du coronavirus à l’automne reste assez élevée (à moins qu’un vaccin ne soit approuvé et produit en masse en un temps record).

Puisque l’on parle de tri d’entreprises, il semblerait que le système bancaire international ne soit pas en aussi bonne santé qu’il n’y paraît. Sinon, il n’y aurait pas eu ces pressions de financement persistantes, sur les marchés monétaires, même après les récentes actions « agressives » menées par la Fed sur le plan de la liquidité.

Bien entendu, la Fed va redoubler ses injections de liquidités jusqu’à ce que ces pressions se relâchent. Mais les investisseurs haussiers devraient s’inquiéter, face à la réaction si baissière des marchés, lundi 16 mars, au lendemain de la baisse des taux pratiquée par la Fed, et du QE annoncé.

Le problème que pose le stimulus de la Fed est pour partie le suivant : le contexte des taux d’intérêt était déjà si bas que cela rend les nouvelles baisses moins efficaces.
En conclusion de notre dernier commentaire, nous faisions la remarque suivante : « Avec une telle baisse des rendements des bons du Trésor dont les maturités varient de 2 à 10 ans, sur la courbe, la « marge nette d’intérêts » des banques est vouée à chuter au cours des trimestres à venir. ».
Depuis, les valeurs bancaires sont en chute libre, alors nous espérons que vous n’avez pas été tenté d’en acheter ces deux dernières semaines.

Dans notre alerte du 11 mars, Jim a présenté une analyse baissière concernant l’équipementier aéronautique TransDigm Group (NYSE : TDG).

L’action s’est effondrée de 495 $ à 295 $ sur une seule semaine, du 10 au 17 mars. Vendredi 13 mars, nous vous avons envoyé une alerte pour encaisser vos gains sur cette position.

Le marché est extrêmement survendu, après la dégringolade du lundi 16 mars. Si, depuis, il a remonté légèrement la pente, il n’en demeure pas moins extrêmement fragile.

Nous vous enverrons une nouvelle alerte achat dans les prochains jours.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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