Cher Nouveau Rentier,
Ne paniquez pas.
C’est le conseil que je vous donne alors qu’un indicateur de marché fiable nous signale qu’une récession est imminente.
Bon, je ne dis pas qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter.
Mais nous ne vendons jamais sous prétexte que tous les autres le font.
Nous préférons étudier soigneusement les nouvelles, de quelle manière elles pourraient affecter nos positions. Ensuite, nous prenons des décisions au cas par cas.
Alors c’est exactement ce que j’ai l’intention de faire aujourd’hui.
D’abord, nous allons examiner pourquoi Wall Street « pète un plomb » … et réfléchir à ce que cela signifie pour notre portefeuille.
Ensuite, j’examinerai plus particulièrement deux de nos positions qui suscitent certaines inquiétudes en ce moment.
Alors que beaucoup d’entreprises ont publié d’excellents résultats ce trimestre, cela n’a pas été le cas pour ces deux sociétés. Et comme les trois prochains mois pourraient être encore plus agités, nous devons nous assurer que nous avons de bonnes raisons de conserver ces deux titres.
D’abord, toutefois, nous allons observer le contexte global.
Petit cours rapide sur les taux de rendement obligataires
Des signes de difficultés financières surgissent de toutes parts dans le monde. Wall Street est particulièrement inquiet en ce qui concerne le marché obligataire.
Les investisseurs moyens ne se soucient pas souvent des obligations, contrairement aux analystes qui s’en préoccupent énormément.
En effet, les obligations comptent parmi les investissements les plus sûrs qui soient, notamment celles qui sont émises par les Etats et les sociétés solidement établies. Alors elles agissent comme un baromètre reflétant le sentiment et les comportements des investisseurs.
Lorsque les investisseurs et les institutions se précipitent massivement sur les obligations, c’est peut-être le signe que la situation va bientôt dégénérer.
Pour surveiller cela, on observe les rendements obligataires.
Lorsque vous achetez une obligation, vous savez exactement ce que va vous rapporter votre investissement. Et vous connaissez exactement le montant de votre rendement. Ces chiffres sont fixes, fondamentalement, sauf si quelque chose de terrible se produit.
Mais le cours auquel les investisseurs achètent une obligation est fonction de l’offre et de la demande, ce qui veut dire que cela change en fonction du volume des ordres d’achat et de vente.
Les rendements évoluent à mesure que les cours évoluent. Lorsque les cours obligataires chutent, les rendements obligataires augmentent. Lorsque les cours obligataires augmentent, les rendements obligataires chutent.
Cela peut paraître compliqué, mais c’est exactement ce qui se passe avec le rendement d’une action.
Disons que vous achetez une action au cours de 10 $ et qu’elle rapporte un dividende annuel de 1 $. Vous obtenez un rendement de 10% sur votre investissement.
Mais si le cours de cette action augmente et passe à 11 $ alors que le dividende reste le même, votre rendement tombe à 9,1%. Si l’action passe à 15 $, alors le rendement tombe à 6,7%.
En gros, c’est ce qui se passe en ce moment sur le marché obligataire… sauf que cela se passe dans une proportion effrayante.
Bienvenue dans un monde inversé
Dans certaines régions du monde, la demande en faveur d’obligations refuges a poussé les rendements vers des plus-bas extrêmes.
Un nombre curieusement élevé d’obligations offre même des rendements négatifs, ce qui veut dire que les investisseurs acceptent automatiquement le fait qu’ils vont perdre de l’argent sur ces obligations.
Pour comparer avec les actions, reprenez l’action que vous achetez 10 $ et qui vous rapporte un dividende de 1 $ par an.
A présent, disons que vous savez que cette société va être rachetée dans deux ans, à 6 $ l’action, quoi qu’il arrive, et qu’elle ne va pas augmenter son dividende d’ici là.
Si l’on se projette 2 ans plus tard, vous clôturez votre investissement et vous récupérez 8 $ : 2 $ de dividendes plus les 6 $ reçus en paiement de vos actions. Vous avez donc perdu de l’argent sur les 10 $ initialement investis.
La question de savoir pourquoi des institutions et des investisseurs achètent des obligations en étant sûrs de perdre de l’argent est un peu compliquée. Mais, de toute évidence, cela n’annonce rien de bon pour leurs résultats financiers.
Et ce qui a réellement effrayé Wall Street, c’est la situation dans laquelle se trouvent les obligations d’Etat américaines.
Les obligations d’Etat américaines (bons du Trésor) sont considérées comme les plus sûres que l’on puisse acheter. Même si leurs rendements ont chuté, ils sont encore positifs, ce qui veut dire que les investisseurs peuvent les acheter puis espérer que cela leur rapporte de l’argent.
Mais, normalement, les rendements des bons du Trésor américains à maturité longue sont plus élevés que les rendements des bons du Trésor à maturité courte. En gros, plus le gouvernement américain conserve l’argent des investisseurs longtemps, plus les investisseurs veulent être payés en retour.
Mais pas plus tard qu’hier, le rendement du bon du Trésor américain à 10 ans a chuté au-dessous de celui du bon du Trésor américain à 2 ans. Cela signifie que les investisseurs ne voient pas d’inconvénient à percevoir moins d’argent pour que le gouvernement conserve leur argent sur une longue période.
C’est ce que l’on appelle une « inversion de la courbe des rendements », situation dans laquelle le fait de détenir des bons du Trésor à maturité longue rapporte moins que détenir des bons du trésor à maturité courte. C’est le signe que les investisseurs sont très pessimistes concernant l’avenir immédiat des marchés.
Cela ne s’est produit qu’à quelques reprises, ces 50 dernières années. Et à chaque fois, l’économie américaine a ensuite plongé dans une récession.
Regardez :
Rendement à 10 ans moins rendement à 2 ans (%)
Sérieusement, ne paniquez pas
J’aimerais bien vous dire que ce sera différent, cette fois, et qu’il y a une bonne raison de croire que cet indicateur envoie un faux signal.
Et, à vrai dire, une grande partie des problèmes économiques du monde semble très artificielle, à l’heure actuelle.
Par exemple, la ligne dure adoptée par le président Trump, dans le domaine du commerce, a d’abord provoqué de l’incertitude, puis carrément de la misère, dans certaines régions du monde.
En concluant des accords avec nos partenaires commerciaux, on pourrait fortement améliorer la situation.
Mais il est également probable que ces problèmes ont désormais franchi le seuil de l’irréparable. Alors, pour nous protéger, nous devons envisager ce qui se produira si le monde s’oriente vers une récession.
La bonne nouvelle, c’est que nous avons un peu de temps. Regardons à nouveau le graphique.
Oui, une récession suit toujours une inversion, mais pas immédiatement. Souvent, une récession n’apparaît pas avant des mois – voire même des années, parfois – suivant l’inversion de la courbe des rendements.
Alors il n’y a aucune raison de réfléchir dans la précipitation.
Nous savons également que notre portefeuille est garni d’entreprises assez solides pour survivre à une récession. La panique peut faire baisser les cours de leurs actions mais elles continueront à fonctionner et à gagner de l’argent, tout en nous versant un dividende au passage.
Bien entendu, nous allons également surveiller de près la moindre position susceptible de rencontrer des difficultés. La question clé ne sera pas de savoir jusqu’où une action peut baisser mais plutôt si le versement de nos dividendes reste assuré.
J’ai déjà opéré un rapide passage en revue de nos positions. Et je tiens à conclure l’alerte d’aujourd’hui en examinant deux positions qui ont suscité des inquiétudes.
Décevant, c’est le moins qu’on puisse dire
Dans notre numéro de juin, J’ai recommandé d’ouvrir une position sur PennantPark (PFLT), une société spécialisée dans le financement de jeunes entreprises et qui tire parti de leur croissance.
Dans notre numéro de juillet, nous avons recommandé Lazard Ltd. (LAZ), une banque qui se consacre à une clientèle ultra fortunée.
Ces deux sociétés ont clairement des similitudes. Malheureusement, l’une des choses qu’elles ont en commun est la suivante : les derniers résultats qu’elles ont publiés ont été décevants.
Commençons avec PFLT. Cette société a publié des résultats non seulement en baisse par rapport à la même période l’an dernier, mais qui sont également inférieurs aux attentes.
La nouvelle a fait plonger le cours de l’action, mais celle-ci s’est pratiquement redressée par la suite.
Car, en fait, il n’y a pas de véritable raison de s’alarmer. Il arrive que les entreprises traversent des trimestres médiocres, et celle-ci n’a pas énormément dérapé.
Plus important encore, elle engrange plus de trésorerie que nécessaire pour couvrir le dividende qu’elle verse tous les mois.
Et avec la baisse des rendements obligataires et des taux d’intérêt partout dans le monde, le rendement de 9,8% qu’offre PFLT est simplement trop élevé pour qu’on le dédaigne.
C’est vrai, une récession pourrait pénaliser les jeunes entreprises dont elle s’occupe, mais PFLT a déjà survécu à des récessions.
Alors nous allons continuer à percevoir notre dividende mensuel jusqu’à ce que l’on identifie de véritables signes de difficultés.
Ensuite, il y a Lazard, qui a également vécu un trimestre agité…
Les bénéfices de Lazard sont à la traîne
Il y a quelques semaines, LAZ a annoncé une baisse de 40% de ses bénéfices, ce qui est spectaculaire. Mais, en fait, c’est un bien meilleur résultat que celui auquel s’attendaient les analystes de Wall Street.
La raison essentielle de cette baisse s’explique par la diminution des revenus provenant de sa branche « conseils financiers ». Elle aide les entreprises à prendre des décisions financières stratégiques, telles que des fusions et acquisitions.
Les sociétés européennes ont moins fusionné, au trimestre dernier, ce qui a fait chuter la demande en faveur des services offerts par Lazard.
Ses activités de gestion d’actifs ont également moins rapporté.
Toutefois, le ralentissement économique mondial pourrait agir en faveur de Lazard.
Imaginez : les entreprises pensent qu’une récession est imminente. Alors elles veulent consolider au maximum leur position. Et il existe un moyen simple d’y parvenir : en rachetant des concurrents et en récupérant leur chiffre d’affaires.
Les Etats, institutions et investisseurs fortunés vont également avoir peur de ce qui pourrait arriver à leur argent. Or leur meilleure chance de le faire fructifier au cours de la période qui s’annonce – quelle qu’elle soit – consistera peut-être à s’en remettre aux conseillers expérimentés de Lazard.
En attendant, le dividende de Lazard est toujours garanti, alors attendons de voir ce qui va se passer ensuite.
Et c’est réellement ce que nous faisons pour toutes nos positions : attendre de voir ce qui va se passer ensuite.
Cette inversion de la courbe des rendements est un indicateur effrayant… mais nous avons le temps d’ajuster notre stratégie si nécessaire. Alors maintenons le cap, sauf si nous identifions une bonne raison d’opérer un changement.
Je vous indiquerai ce qu’il faut faire.
Longue vie à vos revenus !
Zach Scheidt
Rédacteur en Chef