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Assurance-vie : gare à l’éclatement de la bulle obligataire

Par 31 mai 2022octobre 20th, 2022Articles La Chronique Agora

L’assurance-vie est l’un des placements préférés des Français. Pourtant, c’est depuis quelques années l’un des plus dangereux à détenir en cas de krach majeur dans le secteur obligataire…

Le rendement des actions est l’inverse du rapport coût / bénéfices ou price-earnings ratio (PER). Ici, les bénéfices (earning) sont en général calculés sur un an, et divisés par la capitalisation (le nombre d’actions multiplié par la valeur de l’action) de la société. Le PER permet d’apprécier si une action est chère comparée à ses résultats, et le rendement vous indique si chaque action est profitable.

Un rendement réel négatif

Ajusté de l’inflation et à partir des bénéfices sur douze mois glissants, le rendement réel du S&P 500 est négatif de 2,9%, selon Bank of America.

Calculé à partir des bénéfices attendus, le rendement réel est négatif de 2,1%. Autrement dit : si les résultats ne croissent pas plus rapidement, l’inflation va ronger le rendement des actions.

Des rendements négatifs sont un indicateur avancé de marché baissier. Selon les analystes de Bank of America, ils sont passés en territoire négatif quatre fois durant les 100 dernières années. Cela s’est produit après la Seconde Guerre mondiale, puis durant la stagflation des années 1970, au début des années 1980 avec le choc Volcker et, enfin, avant l’éclatement de la bulle technologique au tout début de 2000.

Lorsque Paul Volcker, alors président de la Fed, a décidé de sauver le dollar en adoptant des taux courts de 20%, soit 5% au-dessus de l’inflation, il a déclenché une récession. Mais il a accompli son but, et sauvé le dollar qui est resté la monnaie de réserve. Cependant, il a pu le faire car l’endettement des États-Unis atteignait alors seulement 35% du PIB. Aujourd’hui, l’endettement des États-Unis atteint 128% du PIB. Avec des taux bien plus hauts, la charge de la dette s’envolerait donc de façon incontrôlable et la récession deviendrait probablement très rapidement une dépression.

Puisque le dollar est une monnaie de réserve, le marché obligataire mondial est soumis à la loi du dollar : si les taux en dollar augmentent, les taux des obligations libellées en euro et dans les autres devises suivront à leur tour (à moins que la Banque centrale européenne et les autres ne rachètent tout ce dont les étrangers ne veulent plus).

Le lien avec votre assurance-vie

Ceci a des conséquences très importantes sur la partie obligataire de votre assurance-vie et sur les assureurs. En effet, ceux-ci sont aujourd’hui extrêmement vulnérables aux hausses de taux.

Durant la forte inflation des années 1970, les assureurs français ont essuyé peu de pertes tandis que les obligations chutaient. Leur portefeuille obligataire était alors assez réduit comparé à leurs autres actifs. Concrètement, les assureurs possédaient en garantie de leurs engagements surtout de l’immobilier : le foncier servait de garantie en capital et les loyers leur procuraient du rendement.

Cette gestion à partir d’actifs tangibles a disparu avec la financiarisation des années 1980-1990. A ce moment, la réglementation a considéré que la dette d’Etat était un actif aussi sûr (voire plus sûr) à détenir qu’un immeuble haussmannien donné en location à Paris, par exemple.

Dès lors, les assureurs ont préféré les actifs papiers, plus faciles à gérer, que les actifs fonciers et immobiliers.

La plupart des assureurs ayant maintenant un gros portefeuille obligataire, ils sont très exposés à une hausse des taux. Si les taux montent, leur portefeuille perd de sa valeur et ils doivent compenser leur perte pour continuer à assurer leurs garanties.

C’est pourquoi une loi (dite loi Sapin) prévoit en France de permettre aux assureurs de ne pas rembourser leurs assurés (les détenteurs d’assurance-vie placée en obligations) au cas où ils seraient en danger, car ils devraient matérialiser des pertes en vendant ce qui a baissé.

Vous voyez où nous voulons en venir. Saisir correctement les grandes lignes du tableau aujourd’hui n’a jamais été aussi important. Si vous commencez tout juste à investir, rentrer aux prix actuels vous condamne à une décennie de mauvais rendements et après une chute de 50%.

Nous essayons de bâtir une stratégie capable de survivre avec le minimum d’ajustements même si nos émotions varient au gré des événements.

Et si vous détenez des obligations ?

Depuis 2021, nous conseillons d’avoir 0% de votre argent en obligations. Traditionnellement, les portefeuilles fonctionnent avec un dosage 60%-40% (60% d’actions, 40% d’obligations) parce que les obligations – même si leurs rendements moyens sont inférieurs à celui des actions – sont moins volatiles. L’idée qui justifie cette diversification est que les obligations lissent vos performances.

Aucune classe d’actif n’a autant profité des faibles taux d’intérêt et des rachats d’actifs par les banques centrales que les obligations. C’est logique. Si les banquiers centraux vous disent qu’ils vont plafonner les taux d’intérêt, cela revient à dire qu’ils vont mettre un plancher sous les prix, un plancher qui va monter comme un ascenseur. Pour un investisseur avisé, cela représente de l’argent facile, surtout si vous pouvez utiliser un effet de levier.

C’est exactement ce que font les modélisations de portefeuille qui déterminent les allocations d’actifs en fonction des risques. Se fondant sur la volatilité historique très faible du marché obligataire et sur les rachats faits par les banques centrales, ils augmentent le pourcentage d’obligations composant le portefeuille idéal. La pondération ne repose pas sur la valeur du dollar ou la taille de la position, mais sur la pondération du risque – assimilé à la volatilité.

Les ennuis commencent lorsque les prix des actions et des obligations redeviennent corrélés, donc en cas de retournement. Dès lors, les deux compartiments deviennent volatiles. Et vous vous retrouvez à posséder deux actifs différents qui chutent en même temps.

Détenir des matières premières peut vous aider à compenser ce mouvement, mais seulement si les obligations et les actions baissent en raison d’une inflation élevée et que les matières premières profitent de cette inflation.

L’éclatement de la bulle actuelle sera sévère pour les obligations

L’évolution des bulles créées par la Fed est la suivante : valeurs internet (éclatée en 2000), immobilier (éclatée 2007), bulle généralisée (gonflée depuis 2009, et encore plus fortement depuis 2020). Nous pensons que l’épicentre de la bulle actuelle se situe dans les obligations souveraines (américaines et européennes).

Une dévaluation par l’inflation est beaucoup plus probable qu’un défaut, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. Laisser la monnaie mourir d’hémorragie et la remplacer par une nouvelle a toujours été la solution politique mise en œuvre, historiquement.

Oui, la Fed et la Banque centrale européenne peuvent continuer à acheter des obligations pour financer les déficits publics. Mais cette « monétisation » de la dette ne rend pas les obligations plus sûres pour autant.

Les autorités vont contraindre les banques, les fonds de pension et les assureurs à conserver des obligations à titre de réserve (dans le cas des banques) où de capital (dans le cas des fonds de pension et des assureurs). C’est une des manifestations de la répression financière déjà mise en œuvre par le passé pour s’assurer que quelqu’un (en dehors des banques centrales) prête aux gouvernements.

Même dans ces conditions, répétons ce que nous avons déjà dit : les grandes paniques financières du passé ont souvent commencé sur le marché du crédit. Un défaut souverain n’est pas à exclure (Turquie, Grèce, Italie…). Et n’excluons pas non plus la possibilité de nombreuses défaillances d’entreprises, surtout si la Fed augmente ses taux plus rapidement que prévu cette année.

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