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Alerte n°129 – Archegos détenait des actions de Shopify

Par 16 avril 2021Alertes

Cher abonné,

Vous retrouverez ci-dessous le dernier commentaire Crash Speculator.

Mais avant cela, nous devons vous avertir que d’importantes informations concernant l’avenir de Crash Speculator vous seront envoyées dans l’après-midi.

Restez à l’écoute… Et bonne lecture d’ici là !

Cordialement,

La rédaction


Archegos détenait des actions de Shopify

Dan Amoss

Cher lecteur,

Dans notre commentaire hebdomadaire du 2 avril dernier, j’expliquais pourquoi l’explosion rapide d’Archegos, un hedge fund (ou « family office ») de plusieurs milliards de dollars, nous a brutalement rappelé le levier record sur le marché actions.

A l’époque, nous avions très peu d’informations sur ce qui s’était passé. Mais ces dernières semaines, grâce aux bonnes vieilles pratiques du journalisme fondé sur de multiples sources, nous avons pu en savoir plus sur ce qui s’est passé.

Le meilleur article que j’ai lu est paru sur Bloomberg News, Bill Hwang Had $20 Billion, Then Lost It All in Two Days (« Bill Hwang avait 20 Mds$, avant de tout perdre en deux jours »).

Je ne suis pas du genre à tirer sur une ambulance. Mais nous avons désormais une image bien plus précise de ce qui s’est passé à Archegos, et c’est troublant.

Il semblerait qu’Archegos ait tenté un « corner » sur le marché [NDLR : accaparement de titres avec l’objectif d’acquérir un maximum de titres spécifiques pour provoquer leur raréfaction et la hausse de leur cours].

Normalement, dans cette démarche, l’acheteur tente d’accumuler discrètement la plupart des actions en circulation d’une entreprise. A mesure que l’offre se contracte, il augmente graduellement son offre afin de récupérer les quelques actions restant sur le marché.

L’histoire regorge de corners ratés comme, par exemple, celui que les Frères Hunt ont tenté sur les contrats à termes (« futures ») sur l’argent en 1979-1980 (lequel a provoqué un pic sur des décennies ponctuel).

Le marché actuel a trois caractéristiques clés rendant quelque peu plausible cette stratégie apparemment absurde consistant à tenter un corner sur une action :

  • La perception que « la Fed assure vos arrières » est tellement ancrée dans la psychologie des investisseurs que même les traders ayant débuté en 2020 connaissent ce phénomène. Peu de gens veulent vendre leurs actions car peu d’entre eux ont envie d’en réinvestir le produit dans un compte en banque produisant 0% d’intérêts.
  • Des positions shorts trop concentrées sur des actions telles que GameStop, signifient qu’une fois qu’un corner est en cours, les vendeurs à découvert prennent une raclée et achètent frénétiquement pour couvrir leurs positions.
  • L’omniprésence des investissements indiciels et orientés ETF signifie qu’une grande partie des marchés actuels ne réagit pas à la hausse des cours. Les investisseurs indiciels ne vendent pas, à moins de rééquilibrer leur plans retraites. Ils ne font qu’acheter, et acheter, et acheter… en mode pilote automatique, quels que soient le cours ou la valeur. Ils partent du principe que des professionnels se chargent d’affecter une valeur raisonnable aux actions qu’ils achètent en mode automatique.

    Eh bien… la folie que l’on constate dans des cas tels que GameStop, Archegos et bon nombre des valeurs technologiques préférées, à l’heure actuelle, prouve bien que la détermination rationnelle et efficiente des cours n’est pas trop – voire pas du tout – l’œuvre de professionnels expérimentés.

    Si les investisseurs indiciels ne réagissent pas à la hausse des cours en revendant des actions sur le marché, comme le ferait un investisseur orienté « value » traditionnel, alors l’idée que les marchés fonctionnent de manière rationnelle et sans heurt, actuellement, est peut-être dépassée.

Certaines des actions détenues par Archegos (via des « total return swaps » ou « TRS » [NDLR : contrat où deux entités s’échangent la performance d’un produit financier contre la performance d’un autre produit financier]) – comme GSX Techedu – étaient controversées et extrêmement « shortées » (pari à la baisse).

A posteriori, on dirait que l’action GSX a fait l’objet d’une tentative de corner.

Archegos, qui est en relation avec la plupart des grandes banques d’investissement, disposait probablement de bonnes informations concernant les shorts réalisés sur des actions telles que GSX. Apparemment, une fois qu’une couverture de short était en cours, Archegos profitait de ses fonds massifs, empruntés à des banques d’investissement (via les TRS), pour accaparer une action sur le marché.

Autrement dit, Archegos « devenait le marché », pour ces actions, en contrôlant les cours avec son énorme pouvoir d’achat.

Est-ce que c’est ça, investir ? Certainement pas. C’est un comportement très destructif, qui, selon moi, relève de la manipulation.

L’article de Bloomberg News indique que M. Hwang – qui affirme observer des principes chrétiens – a déclaré la chose suivante, un jour : « Ma société participe un tout petit peu, [c’est] notre contribution, à déterminer un juste prix pour l’action Google. Est-ce important, aux yeux de Dieu ? Absolument. »

Une tentative de corner sur une action pour en contrôler le cours en déclenchant un blitzkrieg d’achats et de ventes se situe à l’opposé de contribuer à ce qu’elle ait « un juste prix ». Cette démarche contribue plutôt à déformer et falsifier temporairement le cours d’une action.

En revanche, voici comment un investisseur peut vraiment contribuer à la détermination d’un juste prix :

  • Un acheteur orienté value rend service au marché en disposant de liquidités lui permettant d’acheter des actions lorsque les autres investisseurs paniquent et ont besoin de liquidités.
  • Un vendeur à découvert (« short seller ») orienté value rend service au marché en proposant des actions à des investisseurs qui semblent vouloir en acheter à n’importe quel prix.

Ceux qui se retrouvent avec l’action Viacom sur les bras – achetée deux fois plus cher que son cours actuel lors d’une nouvelle émission d’actions – doutent probablement du fait que M. Hwang ait contribué à déterminer son « juste prix ».

Il s’avère que les achats d’Archegos ont été un puissant déclencheur de l’élan ayant fait bondir le cours de l’action Viacom à des niveaux surévalués, au départ. S’il tentait un corner sur Viacom, alors Archegos n’a pas anticipé que le conseil d’administration de cette entreprise agirait de manière rationnelle en émettant de nouvelles actions à des prix irrationnellement élevés.

Voilà l’un des nombreux pièges, lorsqu’on tente un corner sur les actions d’entreprises de piètre qualité et qui « brûlent » de la trésorerie : lorsqu’une tentative de corner fait grimper les cours à des niveaux absurdes, ces entreprises qui brûlent de la trésorerie ne peuvent résister à la tentation de cet argent presque gratuit qu’elles peuvent lever – en profitant de cours dignes d’une bulle – lors de la vente de nouvelles actions pour financer leur entreprise.

C’est un sujet que j’ai abordé dans de précédents commentaires, mais il mérite d’être réitéré : chaque action émise doit être détenue par quelqu’un jusqu’à ce qu’elle soit annulée dans le cadre d’une fusion, d’une acquisition, ou pour cause de faillite.

Or nous avons assisté à une multitude d’émissions de nouvelles actions, au cours de l’année qui s’est écoulée.

Bon nombre de ces titres ont été vendus pour financer les activités d’actions surévaluées reposant sur des discours plus que des chiffres, ou d’entreprises au bord de la faillite.

A terme, une société est bien obligée de verser un dividende en argent sonnant et trébuchant, et non en palabres. Alors si elle ne repose que sur des discours, il vaut mieux qu’elle reste créative, pour alimenter l’engouement qu’elle suscite.

Notre dernière recommandation, le site de commerce en ligne Shopify (NYSE : SHOP), se range dans cette catégorie d’actions très surévaluées.

Selon Shopify, l’entreprise « améliore le commerce pour tout le monde, avec une plateforme et des services mis au point pour être fiables tout en offrant une meilleure expérience d’achat en ligne pour les consommateurs où qu’ils se trouvent. Shopify permet à plus de 1,7 million d’entreprises de fonctionner dans plus de 175 pays, et des marques telles que Allbirds, Gymshark, Heinz, Staples Canada, et beaucoup d’autres, lui font confiance ».

Une capitalisation boursière de 153 Mds$ et un ratio cours/chiffre d’affaires de 51, c’est absurde, même pour une entreprise qui enregistre une croissance rapide. Cela revient à intégrer dans le cours actuel une future base-clients dont la dimension se sera multipliée d’innombrables fois par rapport à celle d’aujourd’hui.

Toutes les entreprises finissent par atteindre la maturité. Mais Shopify est valorisée comme s’il s’agissait d’un Peter Pan version entreprise : comme si elle n’allait jamais grandir. Ces niveaux d’évaluation rappellent la bulle des dot-com.

SHOP peut continuer à opérer un rally sous certaines conditions, mais cela exige des discours encore plus forts, des multitudes d’acheteurs enthousiastes et qu’aucun vendeur orienté value ne vende l’action.

Je n’ai pas été surpris de constater que Shopify faisait partie des actions détenues autrefois par Archegos. Cette société parle beaucoup de dominer une sorte de future version du monde, mais elle parle peu de ses résultats financiers concrets. Et ses actionnaires semblent être convaincus que Shopify ne fera face à aucune concurrence au cours des prochaines décennies, et qu’elle ne subira aucune perte de clientèle.

Ou bien, dans le cas des investisseurs indiciels détenteurs de l’action SHOP, bon nombre d’entre eux ne semble ni croire ni penser quoi que ce soit :  ils s’accrochent à l’idée que les indices boursiers rapporteront 7 ou 8% par an indéfiniment, quelles que soient les conditions de départ, les évaluations ou la qualité des entreprises qu’ils détiennent. Cela a fonctionné par le passé, mais cela va être difficile à accomplir à l’avenir.

Etant donné que les positions des investisseurs penchent toujours du côté haussier, et que d’autres actionnaires endettés tels qu’Archegos rodent peut-être dans l’enfer des TRS, il est prudent de limiter votre compartiment actions à une courte liste d’actions de grande qualité cotant à un prix raisonnable.

Gaël, notre analyste, vous indiquera comment gérer vos positions sur Shopify.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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