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Alerte n°138 – Rétropédalages gouvernementaux et progrès industriels

Par 2 octobre 2023CO2 Alertes

Cher lecteur de Zéro Carbone Millionnaire,

La semaine dernière, le gouvernement a préparé le terrain pour un nouveau revirement au sujet de la transition énergétique. Le ministre de l’Economie Bruno le Maire a confié dans Le Parisien être « très favorable » à un report de l’interdiction de louer les passoires thermiques. Deux jours plus tard, le ministre revenait sur ce revirement (vous suivez ?), et le gouvernement chantait de nouveau d’une seule voix qu’il « n’est pas question de modifier le calendrier tel qu’il a été déterminé ».

Reste que le tabou est levé, et que l’adaptation de la loi est désormais sur la table.

Cette mesure est emblématique de la tendance des gouvernements à mettre la charrue de la lutte contre le CO2 avant les bœufs de la faisabilité. En imposant une modernisation, souvent très chère et parfois impossible, des biens les moins faciles à chauffer, les textes actuellement en vigueur vont décimer le parc locatif français.

Selon les estimations du gouvernement, jugées optimistes par certains acteurs de l’immobilier, 23 % des logements hexagonaux ont un niveau de performance énergétique F ou G. Or, les logements classés G allaient être interdits à la location dès 2025, et ceux classés F en 2028. Dans un contexte de rentabilité immobilière en berne du fait de l’explosion de la taxe foncière, de l’augmentation du coût de l’argent pour les nouveaux acquéreurs, et d’inflation du coût des travaux, la majorité de ces biens étaient voués à devenir définitivement vacants ou à être vendus à quelques rares néo-propriétaires qui en feraient leur résidence principale.

Alors que la France souffre d’une pénurie chronique de logements dans les zones tendues, faire disparaître le quart du parc locatif est une bombe sociale à retardement, et un contre-sens économique majeur… et ce sans même parler de l’étape suivante : l’interdiction des logements classés E, qui conduirait selon l’Insee à rendre impropre à la location plus de 54 % du parc locatif dans certaines régions !

A moins d’accepter cette folie législative, la mesure devra être un jour ou l’autre retoquée.

La raison n’est d’ailleurs pas que politique pour éviter de voir des millions de Français se retrouver à la rue, elle est aussi arithmétique. Le simple calcul d’ordre de grandeur des montants en jeu montre que les bailleurs, qui font face en plus de la hausse des coûts évoqués ci-dessus à une baisse des loyers perçus exprimés en euros constants du fait des gels et autres plafonds, n’ont pas la capacité financière de payer les améliorations du bâti.

Cet épisode nous rappelle que la transition énergétique est une révolution de nos modes de vie qui n’aura lieu que si elle est rentable pour les acteurs économiques. Les enjeux sont tels que jamais les Etats ne pourront imposer une décarbonation dans les secteurs clés de notre activité si elle ne propose pas un retour sur investissement positif – un défi qui se règle dans les centres de recherche et les usines, pas au Parlement.

Les citoyens peuvent, bon gré mal gré, se priver de pailles en plastique et d’emballages jetables lors d’un repas rapide au McDonald’s. Ces mesurettes n’ont aucun effet sur nos émissions globales, mais leur coût réel est dérisoire.

Lorsqu’il s’agit d’obliger chaque ménage à débourser des dizaines, voire des centaines, de milliers d’euros avec pour seul objectif une baisse intangible des émissions de CO2, l’équation politique devient tout de suite insoluble.

 

La voiture thermique, prochain éléphant dans la pièce

Les prochaines semaines nous diront comment le gouvernement parvient à adapter le texte pour éviter un drame social et économique dans le secteur du logement.

Cela fait, il faudra s’attaquer à l’autre jalon majeur qui a été prévu et dont la faisabilité technique et économique est encore moins assurée : l’interdiction des voitures thermiques.

A l’échelle européenne, la vente des véhicules dotés de moteur à combustion interne devrait être interdite à partir de 2035. Là encore, un simple calcul d’ordre de grandeur montre que les acteurs économiques ne sont pas prêts. Passons rapidement sur les capacités de l’industrie automobile – elle peuvent être augmentées facilement, nonobstant le « petit problème » de la disponibilité de batteries au lithium.

L’an passé, le coût moyen des voitures électriques en Occident était de l’ordre de 60 000 $ (environ 55 000 €). Avant la pandémie, il se vendait en France entre 2 et 2,2 millions de véhicules par an, pour un coût moyen de 26 000 €.

Passer l’intégralité des voitures françaises neuves à l’électrique représenterait une « taxe verte » pour les ménages de 61 Mds€ par an. C’est presque autant que l’impôt sur le revenu (80 Mds€), et le triple de la TICPE (18,4 Mds€) qui fait pourtant tant débat.

Autant dire que, en l’état, les citoyens-contribuables européens ne pourront pas se plier à la nouvelle réglementation sans une baisse majeure de leur niveau de vie.

La réalité est que cette contrainte est si forte qu’elle brisera le secteur de l’automobile. Partant du principe qu’il est impossible que tous les ménages qui ont besoin de remplacer leur véhicule soient en mesure d’acheter une voiture électrique, et que les aides d’Etat en la matière sont un écran de fumée (par définition, la redistribution ne peut bénéficier qu’à une petite partie de la population, pas au pays entier), la seule solution sera, si la loi est maintenue… la destruction de la demande.

C’est d’ailleurs ce que prévoit encore RTE, le gestionnaire de notre réseau électrique, qui annonce publiquement que « [La France] ne pourra pas atteindre la neutralité carbone en 2050 sans une électrification de la mobilité, mais aussi et avant tout sans efforts pour réduire le nombre de véhicules et de déplacements. »

La messe est dite : soit nous devrons laisser notre parc automobile se verdir au rythme de la solvabilité des acheteurs et relâcher la contrainte de 2035, soit le nombre de ménages qui pourront encore rouler dans des véhicules récents baissera drastiquement et la voiture deviendra un luxe.

Le gouvernement français commence à réaliser que le logement est un sujet de société qui va au-delà de la simple comptabilité des émissions de CO2. Il s’avère socialement inacceptable de considérer que la sobriété énergétique est une condition nécessaire pour pouvoir disposer d’un toit au-dessus de sa tête. Priver les citoyens d’un logement « au nom du climat » n’est pas acceptable pour la population.

La question se posera dans les mêmes termes au sujet de la mobilité individuelle. Rien ne dit que 20 %, 30 %, 50 % des Français accepteront d’abandonner leur voiture particulière au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Les prévisions de l’AIE qui voient un effondrement de la demande de carburant à partir de 2025 sont donc pour le moins fantaisistes, les pétroliers ont encore de beaux jours devant eux.

 

Pendant ce temps, dans notre portefeuille

L’énergéticien Eni (BIT : ENI), qui fait partie de ces fleurons de « l’ancien monde » qui utilisent leur rente d’hydrocarbures pour financer la transition énergétique, est dans une configuration intéressante.

Lors de l’annonce des résultats du premier semestre cet été, le groupe avait fourni des estimations prudentes pour la fin de l’année. Il tablait sur un prix moyen du baril de pétrole à 80 $, en baisse de 5 $, et d’un cours EUR/USD de 1,09, soit 73,4 € par baril.

A ce jour, le WTI s’échange à 86 € et le Brent à 88 €. Même si un point de donnée est loin de faire une moyenne, l’évolution actuelle des prix laisse à penser que les prévisions sur les deux derniers trimestres devraient être largement dépassées. Sachant que le groupe gagne 130 M€ de plus pour chaque dollar supplémentaire auquel s’échange le pétrole sur les marchés internationaux, la surperformance devrait se compter en centaines de millions d’euros. En parallèle, les marges de raffinage repartent partout à la hausse, ce qui apporte à Eni près de 100 M€ de dollars supplémentaires dans les comptes pour chaque dollar de marge dégagée.

Toujours dans les carburants liquides, le groupe verra l’an prochain ses volumes de bio-carburants augmenter significativement. Son usine de biocarburants historique devrait voir sa capacité de production passer de 360 à 560 milliers de tonnes par an. Non seulement les lignes actuelles gagneront en taille, mais les unités seront adaptées pour avoir une plus grande flexibilité dans la biomasse utilisée pour utiliser notamment des matières premières agricoles ne nécessitant pas d’utilisation dédiée des sols.

Fin 2024/début 2025, une nouvelle unité devrait voir le jour en Italie. D’une capacité de 740 000 tonnes par an, elle produira du biodiesel et du SAF, le carburant propre dédié à l’aviation.

Cette année, la production d’énergie propre devrait apporter une contribution de 800 M€ à l’EBITDA, soit près de 30 % de l’EBITDA groupe. L’ampleur du chemin parcouru en quelques exercices se réalise lorsque l’on se rappelle que, sur l’exercice 2019, la branche énergie verte ne participait aux profits qu’à hauteur de 4 % !

Nous avons touché la semaine dernière un nouvel acompte de dividende au titre de l’exercice 2023 de 0,24 €, ce qui porte le total des coupons reçus à 1,55 €. Le PRU de notre ligne descend ainsi à 11,28 €.

 

MON CONSEIL

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si vous n’en avez pas encore en portefeuille.

 

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Bons investissements et excellente semaine,

Etienne Henri
Etienne Henri

Zéro Carbone Millionnaire

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