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Alerte n°235 – Ce que signifie la guerre commerciale pour les valeurs du secteur du matériel de chantier

Par 10 mai 2019AGD Alertes

Cher lecteur,

Le week-end dernier, le président Trump a fait savoir dans un tweet qu’il n’était pas satisfait de l’orientation prise par les accords commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine. Il a alors menacé d’augmenter à partir d’aujourd’hui les tarifs douaniers sur les importations chinoises, mesure qu’il avait suspendue en mars dernier, et rentrée à nouveau en vigueur aujourd’hui donc.

Dans la soirée de lundi, l’équipe de Trump chargée des négociations commerciales a confirmé que cela allait au-delà d’une tactique de négociation.

Le représentant au Commerce, Robert Lighthizer, a parlé « d’une érosion des engagements de la Chine », pour justifier l’augmentation des droits de douane infligée à la Chine.

Les actions qui dépendent des exportations, notamment celles des secteurs industriels et des machines, ont été durement touchées en première partie de semaine. Considérant les valorisations élevées et les fondamentaux peu impressionnants de bon nombre de valeurs dépendant des exportations, ce sell-off pourrait aller encore plus loin.

Il y a deux semaines, j’ai examiné les résultats d’Astec Industries (NASDAQ : ASTE), qui ont provoqué l’effondrement de l’action ASTE.

Astec est un proche concurrent de Wirtgen, et Wirtgen est une filiale de Deere & Co. (NYSE : DE), le fabricant d’équipements lourds commercialisés sous la marque John Deere. Si Deere est surtout connu pour ses machines agricoles, il produit aussi des équipements de construction lourds, dont des excavatrices, niveleuses et pelleteuses.

Aujourd’hui, je vais examiner les résultats du premier trimestre 2019 publiés par un autre grand acteur du secteur, le fabricant d’engins de chantier Caterpillar (NYSE : CAT).

Caterpillar est très lié à la santé du secteur minier en général. Mais la marque est également réputée pour ses engins de chantier. Comme Deere exerce également des activités dans ce secteur, les déclarations de Caterpillar ont des conséquences pour Deere.

Caterpillar est la marque la plus connue, dans le domaine des engins de chantier, notamment les bulldozers et les pelleteuses, où elle est en concurrence avec des fabricants de pays dont les monnaies sont bon marché. Il s’agit notamment de Komatsu (Japon), Doosan (Corée du Sud) et de Sany (Chine). Volvo et Deere sont également de redoutables concurrents.

Au cours du marasme des activités minières, de 2012 à 2016, Caterpillar a moins maîtrisé les prix de ses engins de chantier. La demande en faveur d’équipements de chantier et miniers, autrefois très forte dans des pays tels que le Brésil et l’Australie, a stoppé net. En période de récession, les engins d’occasion sont de formidables concurrents pour les engins neufs de Caterpillar.

Pour Caterpillar, il est difficile d’être compétitif face aux engins d’occasion qui, dans la plupart des cas, peuvent durer 10 à 20 ans s’ils sont bien entretenus. Par ailleurs, la durée de vie utile des engins de chantier est rallongée par les récessions, dans la mesure où les heures d’utilisation diminuent. Les clients du secteur de la location d’engins conservent leurs engins plus longtemps, au lieu de les vendre et de renouveler leur flotte.

Si les clients loueurs d’engins (comme United Rentals) renouvellent leur flotte d’engins vieillissants trop rapidement, ils doivent inscrire des pertes plus importantes que prévu dans leurs déclarations de résultats. Alors en période de récession, traditionnellement, ils étalent ces écritures comptables sur des périodes plus longues.

Le champ d’action de Caterpillar s’étend bien au-delà des engins que l’on croise souvent, tels que les bulldozers ou les pelleteuses. CAT compte énormément sur deux marchés qui ont traversé de grandes phases d’expansion et de contraction, au cours de ces dix dernières années : le forage pétrolier et les mines de charbon.

Je suis l’action Caterpillar depuis des années. Les investisseurs n’ont pas prêté attention aux éternelles restructurations de coûts de CAT, préférant intégrer dans le cours de l’action un scénario de chiffre d’affaires partant du principe qu’il n’y aura pas de récession mondiale au cours des toutes prochaines années.

Bien que les prix des engins de chantier de Caterpillar aient augmenté au cours de ces dernières années, la maîtrise des prix s’altère, en période de récession.

Le 24 avril, Caterpillar a publié un bénéfice par action (EPS) de 2,94$, soit en légère hausse d’une année sur l’autre. Son chiffre d’affaires a progressé de 4,7%, la plus forte croissance provenant des équipements miniers.

Le chiffre d’affaires provenant des engins de chantier a progressé de 3,5%, seulement. La direction souligne la baisse du secteur de la construction de logements mais espère que les financements d’infrastructures demeureront vigoureux, aux niveaux des gouvernements locaux et nationaux.

Les bénéfices dégagés par Caterpillar dans le segment de la construction ont baissé de 3%. La marge bénéficiaire a baissé de 120 points de base d’une année sur l’autre pour tomber à 18,5%, malgré l’impact favorable d’une hausse du prix moyen des engins. En effet, les prix des matières premières, de la main-d’œuvre et du transport ont augmenté plus vite que le chiffre d’affaires.

La direction a également averti que les prix des engins de chantier étaient très concurrentiels, en Chine, et que Caterpillar sous-performait dans ce secteur géographique.

Considérant la pression politique exercée sur le territoire national chinois en vue de soutenir les fabricants locaux et de réduire les importations, il n’est pas surprenant que les sociétés de construction chinoises se tournent vers des marques d’engins chinois.

« Nous avons perdu certaines parts de marché [en Chine], au premier trimestre », a déclaré le directeur financier de Caterpillar, Andrew Bonfield, lors d’une conférence téléphonique.

« Mais nous prenons des mesures afin de les reconquérir, en travaillant avec des revendeurs, et en lançant également de nouveaux modèles ».

En ce qui concerne le thème de la maîtrise des prix de ses engins et de l’efficacité de sa production, la direction a révélé quelques faits intéressants lors de sa journée des investisseurs, le 2 mai…

Depuis 2014, Caterpillar a réussi à réduire ses coûts structurels de 1,8 Md$. La société a réduit ses immobilisations de 3,3 Mds$. Il s’agit notamment de 57 fermetures de sites, d’une diminution de 2 322 576 m² de ses surfaces de production, et de la simplification des processus de production.

Malgré ces mesures, la direction a souligné que Caterpillar avait suffisamment de capacités de production pour aller jusqu’au bout de ce cycle de croissance. Elle estime qu’elle utilise environ 70% de cette capacité.

Le fait que Caterpillar n’exploite que 70% de sa capacité après toutes ces réductions de coûts et de surfaces de production fait figure d’avertissement : les prix pourraient chuter rapidement, aux moindres signes de ralentissement de la demande.

Si Caterpillar est plus efficace et économe lors de la prochaine récession, et que les prix des engins chutent, alors les prix des engins de Deere devront également baisser.

Caterpillar et Deere livrent une bataille dont l’enjeu est une part du marché de la construction en Chine. Et aux Etats-Unis, elles s’arracheront des parts du marché de la construction, lors de la prochaine récession, en baissant les prix.

Nous connaîtrons les dernières informations concernant les activités de Deere, dans le secteur des engins de chantier, lorsque la société publiera ses résultats le 17 mai. Les indications communiquées par Deere concernant ses prévisions de bénéfices en 2019 étaient très haussières, alors elles pourraient être revues à la baisse dans le rapport financier.

Les engins agricoles sont bien plus importants pour Deere que les engins de chantier. Mais Caterpillar a déjà averti que les circonstances pouvaient changer rapidement, en Chine et sur les marchés émergents, plus largement.

Si l’accord commercial tant attendu est soit annulé, soit retardé indéfiniment, l’action DE pourrait chuter encore plus.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Alerte Guerre des Devises

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