Cher lecteur,
Le VIX, ou indice de volatilité, n’a quasiment pas fait les gros titres des médias financiers, tout au long de 2019. Mais cela pourrait changer très rapidement…
Une rupture des négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, une déclaration « hawkish » [NDLR : « faucon », représentant la rigueur monétaire] d’un responsable de la Fed, ou bien une crise géopolitique, pourraient déclencher une envolée du VIX.
Au sein de l’écosystème actuel du trading automatique, un grand nombre d’acteurs du marché peuvent cesser d’acheter des actions puis sortir des marchés quand le VIX s’envole brutalement.
Il y a peu d’acheteurs de l’ancienne école, adeptes de l’approche « value » et désireux d’acheter des actions en période de baisse. Par conséquent, les cours peuvent chuter de façon spectaculaire du jour au lendemain, dans un contexte où les faiseurs de marché battent en retraite sur le marché des actions et des options.
La « pente » des contrats à termes (« futures ») sur le VIX est un indicateur – obscur mais vital – des tensions existant sur le marché financier. C’est l’un des principaux facteurs formant notre Moniteur de Krach.
Je n’ai consacré aucun commentaire à la pente des futures sur le VIX car cela n’a pas été un facteur de marché significatif, depuis le lancement de Crash Speculator en juin 2019.
Mais le VIX peut facilement surpasser d’autres facteurs, et conduire à de fortes baisses sur les principaux indices. Alors, avant son prochain pic – qui est inévitable mais pas forcément imminent –, le moment est venu de revisiter le VIX.
D’abord, définissons brièvement ce qu’est l’indice VIX
Le VIX est l’abréviation de « Chicago Board Options Exchange (CBOE) Volatility Index » : l’indice de vVolatilité du CBOE.
Le VIX traduit les anticipations de volatilité de marché sur les 30 prochains jours. Il reflète les « volatilités implicites » de toute une gamme d’options sur des actions du S&P 500.
Bien que vous ne puissiez acheter directement le VIX, vous pouvez acheter des options call sur le VIX. Les options call sur le VIX donnent simplement le droit d’acheter un contrat à terme spécifique sur le VIX ou « future VIX » (et non le VIX lui-même).
Les futures VIX anticipent le niveau du VIX à une date ultérieure.
Par exemple, si vous achetez une option call sur les futures VIX de décembre 2019, elle reflète le niveau de volatilité du VIX que le marché anticipe pour le mois de décembre.
Le prix des futures VIX peut être inférieur, proche ou supérieur au niveau actuel du VIX (« spot VIX »). Normalement, le VIX retourne à sa moyenne à long terme.
Pour mieux comprendre le VIX, il convient d’observer l’historique d’un célèbre produit dérivé du VIX.
En février, les personnes qui avaient investi sur l’ETN inverse VelocityShares Daily Inverse VIX Short Term Exchange-Traded Note (ticker: XIV) se sont fait plumer.
L’ETN XIV s’est extrêmement bien comporté pendant cinq ans, jusqu’au mois de février 2018. Le 5 février 2018, le VIX a flambé de 100%. En revanche, l’ETN XIV a perdu plus de 90% de sa valeur sur une journée. Son créateur, Credit Suisse, a choisi de liquider l’ETN et de le fermer pour éviter de nouvelles pertes.
La performance journalière de XIV évoluant à l’inverse de celle du VIX, par définition l’ETN XIV s’est orienté vers une perte de 100% (et, pour finir, de 116% : l’inverse de la hausse de 116% du VIX) dès 14 ou 15 heures, le jour de son krach.
A ce stade, Credit Suisse (émetteur de XIV) s’est mis à acheter à tour de bras des contrats à termes sur le VIX afin de liquider les positions « short » (vendeuses) sur le VIX qu’il détenait pour le compte des détenteurs de XIV. Si XIV avait été détenu par un trader de futures ayant un compte au Credit Suisse – au lieu d’une poignée d’investisseurs particuliers – son compte-titres aurait été entièrement vidé par Credit Suisse… et, en plus, il aurait reçu un appel de marge de la banque pour couvrir les 16% de pertes supplémentaires (-116%).
Mais dans le cas de XIV, et dans la mesure où Credit Suisse ne pouvait pas envoyer des appels de marge aux détenteurs de l’ETN, la banque a dû liquider dès que la limite prédéfinie a été atteinte (disons une hausse journalière du VIX de 70 à 80%).
À leur tour, les achats frénétiques de Credit Suisse ont déclenché des ventes automatiques d’actions et de contrats à terme sur le S&P 500 via des algorithmes intégrant le VIX dans les paramètres de leurs modèles.
Bref, l’ETN XIV ne fonctionnait que dans un contexte où le VIX était bas et où la courbe des futures VIX progressait régulièrement à la hausse. Ce contexte est très banal. En fait, il a dominé une grande partie de l’année 2017, alors que le marché actions évoluait régulièrement à la hausse dans un contexte de très faible volatilité.
Voici un graphique de la pente des futures VIX le 9 octobre 2017. Vous remarquerez que seul le mois suivant (« front month ») est bas (à 11,12). Le marché anticipait que la volatilité augmenterait nettement (au-dessus de 14) d’ici janvier 2018 :
Cliquez sur l’image pour l’afficher en grand. Source : www.vixcentral.com
L’ETN XIV, tant qu’il a vécu, était constamment « shorté » (pari à la baisse/position vendeuse) les tout premiers mois de la courbe des futures VIX.
Les acheteurs de VIX roulaient constamment leurs positions sur des contrats plus chers afin de maintenir leurs positions longues (pari à la hausse/position acheteuse) sur le VIX.
Les détenteurs de XIV, eux, se trouvaient « de l’autre côté du trade ».
Le fait de « shorter » constamment le même contrat à un niveau très élevé de contango (« report » : le prix du future est supérieur au prix spot attendu à maturité du contrat), explique pourquoi XIV était un actif recherché. Chaque mois, il rapportait des gains annualisés très élevés.
Mais, comme décrit ci-dessous, tout a changé sur une seule journée, lorsque le VIX à échéance le mois suivant (« front month ») a flambé et que la courbe des futures est passée en « backwardation » (« déport » : le prix du future est inférieur au prix spot attendu à maturité du contrat) le 5 février 2018.
A présent, regardez la pente des futures VIX au 4 juin 2019, ci-dessous. Vous remarquerez qu’elle est plus plate que celle d’octobre 2017, notamment sur le segment entre le quatrième et le septième mois, où tous les futures se maintiennent entre 18 et 19.
Cliquez sur l’image pour l’afficher en grand. Source : www.vixcentral.com
L’aspect plat de la pente signale au spéculateurs que « shorter » le VIX revient cher. Et, lorsque la courbe des futures s’inverse (lorsque l’échéance au mois suivant est plus élevée que les échéances plus lointaines), « shorter » le VIX devient encore plus coûteux.
Quand plus personne ne « shorte » le VIX, l’échéance au mois suivant (« front month ») peut grimper fortement en très peu de temps. Et, quand cela se produit, le marché actions a tendance à être vulnérable à un krach.
Et donc, le VIX et la courbe des futures VIX représentent une part importante de notre Moniteur de Krach.
Si nous remarquons une accélération brutale à la hausse sur le VIX, ou que la courbe des futures VIX s’aplatit, notre Moniteur de Krach devient plus défensif.
Un pic du VIX peut faire disparaître la demande en faveur des actions, car, sur le marché des options, il devient plus coûteux pour les faiseurs de marché de vendre des options put sur un indice tel que le S&P 500.
En parallèle, dans le contexte d’une envolée du VIX, il est également plus coûteux de vendre des options put sur une action spécifique. Les faiseurs de marché exigent une prime plus élevée pour vendre une assurance sur une action qui continue de baisser. Alors il vaut mieux identifier les actions qui affichent un risque de baisse, mais dont les puts intègrent également une faible volatilité implicite.
Idéalement, nous achetons des puts lorsque la volatilité implicite est faible, et nous encaissons les gains lorsqu’elle est élevée.
Les idées de « short » très populaires et très achetées, telles que Beyond Meat (BYND), intègrent une volatilité implicite élevée dans leurs puts : il est donc difficile de gagner de l’argent en achetant ces puts.
A l’inverse, on peut réaliser d’énorme gains si le marché intègre une faible volatilité implicite dans les puts d’actions réputées sûres. Mais certaines informations ou publications de résultats peuvent faire flamber la volatilité implicite.
Prenons le cas de Nokia (NYSE : NOK).
Un grand nombre d’investisseurs a acheté les actions NOK sur l’anticipation des dépenses consacrées aux équipements de la 5G, Nokia faisant partie des leaders mondiaux en matière de production d’équipements 4G et 5G.
NOK s’est effondrée de 20% – soit une chute de 5 $ à 4 $ du jour au lendemain (entre le 23 et le 24 octobre) – sur la publication de résultats décevants au 3e trimestre et la révision de 20% à la baisse de ses estimations de marge bénéficiaire.
L’option put-décembre 2019-5$ sur NOK a flambé de plus de 400%, passant de 0,22 $ le 23 octobre à 1,16 $ le 24 octobre. Ce put étant désormais largement « dans la monnaie », sa volatilité implicite a baissé.
Mais la volatilité implicite sur 30 jours des puts NOK « à la monnaie » est toujours élevée, à 41.
En gros, c’est comme si le « VIX de l’action Nokia », donc l’indice de volatilité de l’action, se situait à 41.
Les prix des options put sont élevés, désormais, afin de refléter le risque d’une baisse persistante de NOK.
Même si Nokia a des difficultés à conserver ses parts de marché – dans un contexte où son ambitieux concurrent Huawei, subventionné par l’Etat chinois, gagne du terrain – il n’en demeure pas moins que l’action a encore des perspectives décentes, en termes de future croissance de ses revenus durant le cycle d’investissement de la 5G.
En outre, souvenez-vous de cet exemple de krach la prochaine fois que vous entendrez un chroniqueur dire que « les actions pourraient grimper car les rendements obligataires sont très bas ! »
Pas plus tard qu’en juillet 2019, les obligations Nokia se négociaient avec un rendement à maturité négatif. Ses coûts d’emprunt sont super bas, grâce à la politique monétaire ridicule de la Zone euro. Mais cela n’a pas réussi à protéger le cours de l’action Nokia.
Les déclarations de Nokia à la SEC révèlent que la société a émis en mars 2019 pour 750 M$ d’obligations seniors à 2% remboursables en 2026. Selon des données émanant de Refinitiv, juste avant la publication des résultats décevants de Nokia, ces obligations offraient un faible rendement de 1,07%.
Elles offrent désormais un rendement de 1,36%, ce qui signifie que les acheteurs d’obligations Nokia sont « assis » sur des gains financiers, alors que les acheteurs de l’action NOK sont « assis » sur des pertes.
L’exemple de Nokia est intéressant car il montre que les entreprises criblées de dettes subissent souvent des krachs spectaculaires du jour au lendemain, même si elles peuvent emprunter à des taux super bas. En effet, les actions sont des créances de rang inférieur sur la trésorerie à venir d’une entreprise, tandis que les prêteurs sont prioritaires.
Et si le marché commence à anticiper que la trésorerie future ne servira qu’à rembourser la dette et qu’à l’avenir, il ne restera pas grand-chose (voire rien) pour les actionnaires, alors la valeur de l’action pourrait considérablement chuter.
Récemment, nous avons constaté un autre exemple, moins spectaculaire : celui du fournisseur d’électricité californien Edison International (NYSE : EIX). Le cours d’EIX a plongé lorsqu’il a été annoncé que la saison des incendies de forêt serait pire que prévu, en Californie, et que les actionnaires d’EIX allaient subir probablement plus qu’on ne le pensait initialement les indemnités liées aux coupures générales, à la maintenance du réseau électrique et aux dégâts causés par les incendies.
Les puts sur EIX que nous avions recommandés la semaine dernière ont bondi car les faiseurs de marché rechignent désormais à prendre le risque de vendre des puts sur EIX, et exigent des primes plus élevées. Nous vous avons recommandé d’encaisser un gain fantastique sur cette position.
Nous suivons des positions similaires et nous vous enverrons une alerte s’il faut intervenir.
Bien à vous,
Dan Amoss, CFA
Analyste