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Alerte n°36 – Pourquoi l’action Target est bien plus risquée qu’il n’y parait

Par 29 novembre 2019Alertes

Chers abonnés,

Avant de laisser la parole à Dan Amoss qui vous livre son commentaire sur l’action Target (TGT) – au regard notamment de sa dernière publication de résultats et de l’évolution possible du titre –, nous avons le plaisir de vous adresser un guide très utile pour suivre nos recommandations : Le guide du trader d’options.

Ce guide détaillé de 32 pages a été réalisé par notre spécialiste Gaël Deballe. Pédagogue, il vous livre, en plus de la théorie en la matière, de nombreuses exemples concrets pour appréhender au mieux ces produits dérivés. Grâce à Gaël, les options n’auront plus de secrets pour vous !

Pour découvrir le guide du trader d’options : cliquez ici

N’hésitez pas à revenir dessus et à consulter nos autres supports, afin de suivre au mieux nos recommandations.

Bons trades,
La rédaction Crash Speculator

 


Pourquoi l’action Target est
bien plus risquée qu’il n’y parait

Dan Amoss

Cher lecteur,

La date butoir du 15 décembre s’approche rapidement, et ceux qui ont investi dans les actions du secteur de la vente au détail espèrent que cela va bien se passer…

Car c’est à cette date qu’est programmée l’entrée en vigueur de tarifs douaniers sur 156 Mds$ de produits de consommation tels que les smartphones, les ordinateurs portables et les jouets. S’ils sont instaurés, ces tarifs réduiront immédiatement les marges bénéficiaires des détaillants.

Selon l’opinion consensuelle sur les marchés, du moment que les négociations se poursuivent entre les Etats-Unis et la Chine, le président Trump reportera les tarifs prévus au 15 décembre.

Mais, historiquement, Trump a prouvé qu’il était maître dans l’art d’identifier les sources de leviers exploitables lors des négociations.

Il doit se dire que les Etats-Unis ont plus de levier, et qu’ils en ont acquis encore plus au cours des dernières semaines. Alors pourquoi devrait-il y renoncer en faisant marche arrière sur les tarifs douaniers, comme le demande la Chine ?

Le « Hong Kong Human Rights and Democracy Act », résolution adoptée massivement par les deux partis du Congrès, la semaine dernière (et signé mercredi par Trump), est un puissant message adressé à la Chine : il signifie que, sur le plan politique, aux Etats-Unis, le vent a tourné en la défaveur du système chinois en matière de gouvernance et de commerce.

La Chambre a voté à 417 voix contre 1 cette résolution, et le Sénat l’a approuvée à l’unanimité. Ce degré d’unanimité entre les deux partis est devenu plutôt rare, sauf lorsqu’il s’agit d’attribuer un nom à des bureaux de poste.

Le président Xi doit reconnaître que les conditions d’un accord commercial conclu avec Trump, ou un autre président, à l’avenir, pourraient être pires que celles qui sont proposées à l’heure actuelle. Or Trump sait bien que Xi songe à cette possibilité. Alors il va probablement maintenir ses engagements concernant les tarifs douaniers – voire les accroître – au lieu d’accorder à la Chine le retrait qu’elle demande.

La Chine ne s’est que vaguement engagée sur les demandes américaines portant sur la propriété intellectuelle et les achats de produits agricoles. Les négociateurs américains insistent sur le fait que les tarifs doivent rester en place jusqu’à ce que l’on s’assure que la Chine respecte bien tout nouvel accord.

Bref, les tarifs douaniers représentent le principal levier de négociation américain, à ce stade de la guerre commerciale.

Bon nombre des dispositions auxquelles s’oppose la Chine relèvent de la fierté nationale ou, du moins, de la fierté des principaux apparatchiks du Parti communiste chinois. Le président Xi ne peut se permettre que les citoyens chinois considèrent qu’il fait trop de concessions à Trump.

En attendant, Trump est heureux de poursuivre le statu quo, surtout dans la mesure où les actions ont recommencé à grimper depuis que la Fed a mis un terme à sa politique de resserrement en janvier.

Trump peut se permettre de prendre le risque politique de faire entrer en vigueur les tarifs douaniers le 15 décembre, car la Fed réagira probablement avec de nouveaux abaissements des taux.

Si le volume des échanges commerciaux baisse tout en coûtant plus cher (en raison des tarifs douaniers), la politique d’assouplissement menée par la Fed n’en sera que plus agressive car, sinon, ce serait mauvais pour la consommation et pour les emplois de nombreuses sociétés américaines exposées à la Chine.

La Fed paniquerait également face aux forces déflationnistes qui proviendraient de la réaction naturelle de la Chine : une dévaluation du yuan face au dollar US, dans une proportion permettant de compenser les nouveaux tarifs douaniers.

Alors, dans un sens, Trump dispose d’un « put de la Fed » [NDLR : une politique d’assouplissement de la Fed] permettant de limiter les dégâts produits sur l’économie. Si Trump décide de renforcer la pression sur les négociateurs chinois pour qu’ils aillent dans son sens – en instaurant des tarifs douaniers sur toutes les importations provenant de Chine – il sait que la Fed orientera sa politique des taux plus près des niveaux qu’il souhaite (c’est-à-dire des taux d’intérêt à zéro ou bien négatifs).

Si Trump décide de faire entrer en vigueur le 15 décembre les tarifs douaniers sur les produits de consommation, le cours de notre récente idée de short, Target Corp (NYSE : TGT), pourrait plonger.

Target évolue dans le secteur hyper concurrentiel de la vente au détail de produits de consommation et alimentaires. Les analystes chantent ses louanges car la société est censée avoir décrypté le code de « l’omnicanal ». Le terme « omnicanal » signifie la vente en ligne en magasin et en ligne.

L’action TGT a bondi de 110 $ à 128 $ lors de la publication de ses résultats, la semaine dernière. L’action s’est négociée au-dessous des 60 $ lors de son plus bas de décembre 2018. Son cours a donc plus que doublé.

En faisant grimper l’action TGT au-delà de ses plus hauts déjà conséquents, les investisseurs ont transféré au présent de futurs rendements.

Les détaillants comme Target ont des coûts fixes élevés. Car il existe tellement de magasins Target, et son implantation est si vaste, que les bénéfices sont très sensibles aux ventes à périmètre comparable.

Target s’empressera de baisser les prix et de doper les offres promotionnelles lors de la prochaine baisse des dépenses de consommation, ce qui pourrait arriver plus tôt qu’on ne le pense.

« Une gestion efficace de nos stocks est la clé de notre succès continu », déclare Target, dans sa déclaration 10-K de 2018.

« Nous réussissons à gérer efficacement nos stocks en maintenant toujours un stock de nos produits phares, en conservant des relations positives avec nos fournisseurs, et en planifiant avec soin le niveau de nos stocks de produits saisonniers ou d’habillement, afin de réduire au maximum les démarques. »

Il se pourrait que Target soit contraint d’acheter ses prochains containers de produits chinois en payant des droits de douane plus élevés, et que les magasins tentent de les revendre dans un contexte de baisse des dépenses de consommation.

Et, si c’était le cas, l’action TGT renouerait avec le milieu, voire le bas, de sa fourchette d’évaluation (« range ») historique. Actuellement, elle évolue près du sommet de ce range historique.

Nous remarquons les points suivants :

  • La croissance des ventes à périmètre comparable de Target décélère : elle est passée de 4,9% en août 2018 à 2,8% à peine en novembre 2019.
  • La croissance des magasins ne contribue plus concrètement à la croissance du revenu. Le parc des magasins Target ne progresse que très lentement après une forte croissance enregistrée au cours des précédentes décennies.

    Observez ces données émanant de Refinitiv : il existe 1 862 magasins Target à dater de novembre 2019. Au cours des dix dernières années (années 2010), le parc de magasins Target a augmenté à un taux annuel composé d’à peine 0,7%. Cela signifie que la croissance du chiffre d’affaires dépend plus que jamais d’une croissance élevée des ventes à périmètre comparable (davantage de chiffre d’affaires, chaque année, sur chaque site). Au cours des années 2010, le chiffre d’affaires a augmenté à un taux composé de 2% seulement.
    Si l’on part du principe que le taux d’inflation (CPI) est d’environ 2%, alors cette croissance est nulle, une fois corrigée de l’inflation des prix à la consommation est nulle. C’est également inférieur au taux de croissance de 6,7% du chiffre d’affaires de Target enregistré au cours des années 2000, lui-même déjà inférieur aux 9,3% de taux de croissance composé enregistrés au cours des années 1990. Ces chiffres relatifs à la croissance ne prennent pas en compte les revenus de Target issus de ses cartes de crédit, la société ayant cédé cette activité à TD Bank en mars 2013.

    Bref, actuellement, les actionnaires payent une évaluation suggérant de la croissance et résultant d’un multiple de 20 fois les bénéfices réalisés, et ce pour un détaillant qui n’affiche aucune croissance réelle de son chiffre d’affaires (corrigé de l’inflation des prix à la consommation).

  • Le consensus de Wall Street table sur une croissance stable de 3,5% du chiffre d’affaires jusqu’à en janvier 2020, sur une augmentation des marges et sur une rapide croissance du bénéfice par action (EPS).

    Autrement dit : le consensus estime qu’il n’y a aucune chance qu’une récession se produise aux Etats-Unis au cours des deux prochaines années.

    Et pourtant, les taux de marge d’EBITDA de Target sont plus faibles, actuellement, qu’ils ne l’étaient en 2008. Nous pensons que la raison est surtout concurrentielle, et liée à la contrainte de se mettre au même niveau de prix qu’Amazon et Walmart. Si les taux de marge d’EBITDA de Target se sont constamment situés au-dessus de 10% au milieu des années 2000, ils n’évoluent plus qu’à environ 9% ces dernières années.

  • Comme bon nombre de grandes capitalisations dont la croissance ralentit, Target a dépensé des milliards pour racheter ses propres actions, à un cours de plus en plus élevé. Les liquidités déboursées par Target pour racheter ses propres actions ont dépassé le flux de trésorerie disponible. Par exemple, sur l’exercice fiscal 2019, Target a dépensé 2,3 Mds$ en dividendes et rachats d’actions, ce qui correspond à la majeure partie de sa trésorerie disponible.
  • Le ratio EV/EBIT (Valeur de l’entreprise/bénéfices avant intérêts et impôts) est pertinent pour mesurer l’évaluation de Target à ce stade de son existence, car les amortissements constituent une dépense réelle et récurrente chez un détaillant établi depuis un certain temps. Etant donné le ralentissement de la croissance du volume des ventes, et la décélération des ventes à périmètre comparable, on devrait s’attendre à ce que le ratio EV/EBIT se situe en bas de sa fourchette sur 20 ans. Et pourtant, il se situe en haut de cette fourchette. Etant donné l’endettement qu’affiche sa structure financière, un retour à son multiple moyen à 20 ans ferait baisser l’évaluation de TGT à un niveau équivalant à 78$ par action.
  • La structure financière de Target affiche un fort endettement et, dans le contexte d’une récession, cela pourrait avoir un effet boomerang sur les actionnaires. La valeur de l’entreprise, de 74 Mds$, se compose d’une capitalisation boursière de 63 Mds$ et de 11 Mds$ de dettes nettes.
  • Le ratio d’endettement de Target (dette nette/EBITDA) est un indicateur de risque de crédit très surveillé. Ce ratio n’était que de 1,3 au cours de l’exercice fiscal 2007, à l’aube de la dernière récession. Il a enregistré un pic à 2,6 au cours de l’exercice fiscal 2009, tandis que l’EBITDA chutait.
  • L’action TGT s’est effondrée de 64% au cours du marché baissier de 2007-2009. Ces dernières années, le ratio d’endettement de Target a été en moyenne de 1,4, mais la croissance de ses ventes ralentit et sa dette nette est plus élevée qu’en 2007 (corrigée des dettes ayant financé ses cartes de crédit en 2007). L’EBITDA a encore eu le vent en poupe au cours des deux dernières récessions, car Target augmentait encore son parc de magasins.

    Mais l’entreprise n’augmente plus considérablement le nombre de ses magasins désormais, et son chiffre d’affaires global s’appuie donc plus que jamais sur la croissance des ventes en ligne, de sorte que l’action TGT pourrait chuter de plus de 60% au cours de la prochaine récession.

Considérant tous ces éléments, nous pensons qu’il est raisonnable de cibler un cours de 78$, pour Target, niveau que pourrait rapidement atteindre le titre si le Black Friday – qui a lieu aujourd’hui – et la saison de Noël sont décevants, ou si les tarifs douaniers programmés pour décembre ne sont pas reportés par le président Trump et entrent en vigueur.

Gaël vous enverra des orientations tactiques concernant nos trades sur Target.

Au-delà des fluctuations à court terme de TGT, nous demeurons convaincus que cette action s’oriente vers une baisse sur le long terme, par rapport à sa forte évaluation actuelle.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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