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Alerte n°42 – Ce qui finira par stopper le rally de marché

Par 10 janvier 2020Alertes

Dan Amoss

La politique d’expansion de son bilan que mène la Réserve fédérale depuis octobre dernier est, de loin, le facteur de hausse des cours le plus puissant. Les actions ont opéré un rally presque continu depuis l’annonce de cette politique le 11 octobre 2019 (en anglais).

A la rédaction de Crash Speculator, nous surveillons de près les changements de politique des banques centrales : quand on parie sur la chute d’actions, ils peuvent énormément compliquer l’environnement.

Aucun autre facteur n’arrive à la cheville de la planche à billet de la Fed, s’agissant de stimuler le marché.

Tous les autres facteurs se sont envolés, notamment les négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, les bénéfices insignifiants des entreprises et une économie mondiale terne. Ces trois facteurs redeviendront certainement des moteurs de marché importants, à l’avenir.

Mais, pour l’instant, tous les yeux se tournent vers les projets de la Fed concernant la poursuite de son émission monétaire… ou une pause due à la crainte que le marché ait mal interprété ses objectifs. Pour beaucoup d’investisseurs, l’achat d’actions est devenu un réflexe en réaction à une augmentation rapide du bilan de la Fed.

Les responsables de la Fed affirment que cette expansion particulière du bilan n’est pas la même chose qu’un assouplissement quantitatif (QE). « Ces démarches sont des mesures purement techniques destinées à soutenir la mise en œuvre effective de la politique monétaire du FOMC », selon le communiqué de la Fed du 11 octobre, « et ne représentent pas un changement de position en matière de politique monétaire ».

Techniquement, c’est correct : la Fed achète des bons du Trésor assortis de dates de maturité beaucoup plus courtes que dans le cadre du QE, lorsqu’elle achète des bons du Trésor à maturité plus longue. Le fait de remplacer ces bons à courte maturité par des réserves fraichement émises change à peine le panachage d’actifs détenu par le public.

La Fed crée également de l’argent frais via le marché des repo [NDLR : « repurchase agreement » ou « prise en pension de titres »]. Ces deux activités de création d’argent peuvent rapidement s’inverser, notamment en ce qui concerne les repo, qui peuvent être arrêtés en ne reconduisant pas les prêts lorsqu’ils expireront dans quelques jours ou semaines.

Mais les investisseurs ont déjà conclu que la Fed n’aura pas le courage de réduire son bilan, même si cela commençait à poser des problèmes pour la valeur de change du dollar ou les perspectives d’inflation.

La Fed a-t-elle envie de donner l’impression aux investisseurs qu’elle est devenue un outil du département du Trésor, ou le garant des cours sur le marché actions ?

Pour examiner les réponses potentielles, remontons aux raisons expliquant le premier pic enregistré sur les taux de repo en septembre 2019. Il y avait un déséquilibre entre l’offre et la demande, sur le marché des adjudications obligataires (« Treasury auction market »).

Dans le monde réel, les changements de cours corrigent les déséquilibres entre l’offre et la demande. Une pénurie de l’offre ou une hausse de la demande font grimper les cours ; un excédent d’offre ou un effondrement de la demande font baisser les cours.

Mais le marché des bons du Trésor nouvellement émis n’est pas un marché du monde réel. Il est géré par trois entités très conflictuelles qui comptent maintenir l’ordre et le contrôle : la Fed, le département du Trésor américain et les grandes banques dites « primary dealer » (spécialistes des valeurs du Trésor) de Wall Street.

L’offre de bons du Trésor, motivée par un vaste déficit fédéral et la fin du dernier conflit autour du plafonnement de la dette, a temporairement surpassé la demande en faveur de bons du Trésor à court terme.

Le plafonnement de la dette a limité la dette totale du Trésor américain aux environs de 22 000 Mds$ sur l’essentiel de l’année 2019. En août, elle a recommencé à augmenter rapidement, à un rythme qui a pris de court les primary dealers. Cela a provoqué un pic des taux.

La dette du Trésor a bondi à 23 200 Mds$ dès la fin de l’année 2019, une bonne part des nouvelles émissions obligataires étant financées directement ou indirectement par la Fed. Vous trouverez ici la tendance journalière des bons du Trésor en circulation.

Et c’est là que nous arrivons au cœur du problème, dans le contexte actuel où les marchés sont animés par les banques centrales. La Fed ne permet pas une « découverte du prix » sur le marché des obligations du Trésor.

Lorsque le marché a été suffisamment impacté par des difficultés de financement, en septembre 2019, la Fed est intervenue avec une lance à incendie monétaire pour réimposer sa politique des taux sur les marchés monétaires.

Ce pic des taux de repo de septembre dernier est le dernier exemple en date des conséquences qu’entraîne le dédain des banques centrales pour un principe économique de base : le contrôle des prix provoque des pénuries.

Les banques centrales, y compris la Fed, imposent des plafonnements sur les taux d’intérêt depuis des années.

Un taux d’intérêt qui serait davantage déterminé par le marché – le taux auquel de nombreux emprunteurs et prêteurs acceptent de faire affaire – serait plus élevé. Tous les emprunteurs à risque adoreraient emprunter à 1%, mais ils se heurteraient à une pénurie d’offre de prêts bancaires. Comme les taux bas n’offrent pas aux prêteurs un rendement suffisant pour compenser leur risque de crédit, beaucoup de banques ont ralenti la cadence de leurs prêts.

Énormément d’éléments de ces dernières années prouvent que lorsque les banques centrales abaissent les taux d’intérêt à zéro, ou en-dessous, il y a moins de chances que les banques commerciales prêtent de l’argent, et non plus de chances.

Et plus les banques centrales poussent les taux en-dessous d’un taux d’intérêt déterminé par le marché, plus il y a de chances que les banques constituent des réserves colossales auprès des banques centrales.

Voilà pourquoi, au bout du compte, lorsque les banques centrales répriment les taux d’intérêt, cela produit une inflation artificielle du cours des actions et des obligations, ainsi qu’une croissance économique poussive.

Toutefois, même si des politiques monétaires extrêmes ont poussé la plupart des actions à se déconnecter de leurs fondamentaux, au bout du compte, les actions doivent être reliées à l’économie réelle. Les actions permettent de prétendre à une part des futurs profits, et la réalisation de profits exige la présence de certaines conditions économiques.

Si la Fed veut éviter de donner l’impression croissante qu’elle monétise les obligations du trésor comme une banque centrale de république bananière, alors les responsables de la Fed doivent commencer à annoncer que l’expansion récente du bilan va bientôt cesser.

Il existe une bonne chance que la Fed communique sur sa politique de bilan (pas sa politique des taux) au cours des prochaines semaines. Lors de sa conférence de presse du 29 janvier, peut-être que le président de la Fed, Jerome Powell, tentera d’expliquer une fois de plus, dans des termes « hawkish » (rigueur monétaire), que les récentes opérations d’émission monétaire « ne sont pas un QE ».

En attendant, la plupart des actions ont grimpé bien au-dessus de leurs bénéfices potentiels. Alors ceux qui détiennent actuellement des actions extrêmement surévaluées – simplement parce que la Fed a dopé son bilan – pourraient se retrouver dans une situation où ils ne trouveront aucun acheteur à des niveaux proches des cours actuels.

Nous sommes en train d’identifier bon nombre d’actions qui ont grimpé bien au-delà de leurs fondamentaux, alors nous pensons que 2020 sera un environnement propice à des trades sur option bien structurés sur les actions les plus vulnérables.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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