Cher lecteur,
Tout au long de ce marché haussier sur dix ans, la Réserve fédérale a cherché à soutenir les actions en maintenant sa politique des taux tout près (ou en-dessous) du taux d’inflation.
Ce faisant, la Fed pénalise volontairement les investisseurs détenant des liquidités ou équivalents. Elle a bousculé les investisseurs – particuliers ou institutionnels – pour qu’ils s’aventurent sur « la courbe du risque » et s’efforcent de créer un effet de richesse.
Cet effet de richesse n’a pas fonctionné. En fait, en plaçant la charrue (le cours des actions) avant les bœufs (l’économie), la Fed a rendu – de façon perverse – l’économie américaine plus vulnérable que jamais aux cours des actions. Nous avons vu avec quelle rapidité les ventes au détail ont chuté, fin 2018, juste après le plongeon des cours. Une nouvelle chute brutale des ventes au détail pourrait survenir en mars et avril.
Alors comme prévu, la Réserve fédérale a vite réagi à la chute brutale des actions durant la dernière semaine de février.
Et mardi matin, à 10 heures (heure de la côte est des Etats-Unis), elle a annoncé une baisse d’urgence de 50 points de base des taux d’intérêt, deux semaines avant sa prochaine réunion.
L’indice S&P 500 a bondi dès que la nouvelle est tombée. Mais presque aussitôt, à la surprise générale, les actions ont chuté considérablement tout au long de la séance. Le marché a perdu près de 3% sur cette journée, et se situaient alors 11% en-dessous des plus hauts historiques atteints il y a deux semaines. Depuis, ils ont de nouveau perdu plus de 3% hier.
Mais pourquoi les actions ont-elles autant chuté après la baisse surprise des taux de la Fed ?
La réponse la plus évidente est la suivante : une baisse des taux de la Fed ne peut pas faire grand-chose contre le ralentissement de l’économie réelle que provoque le coronavirus.
« Un abaissement des taux ne va pas réduire le taux de contamination. Il ne va pas rétablir la chaine d’approvisionnement rompue », a admis Jerome Powell, le président de la Fed, mardi, lors d’une conférence de presse. « Mais nous pensons que notre décision va stimuler l’économie de manière significative. »
Ce n’est pas forcément vrai. Les études économiques indiquent que les coûts d’emprunt ne sont pas la principale difficulté à laquelle fait face l’économie. D’ailleurs, énormément d’éléments montrent que l’emprunt n’a pas été restreint par le niveau des taux d’intérêt en vigueur jusqu’à la baisse de mardi.
Mais à la question « Pourquoi les actions ont-elles chuté après la baisse surprise des taux de la Fed ? » il existe une réponse moins évidente.
Selon moi, le sell-off du marché actions est motivé par l’ampleur de la chute enregistrée ces deux dernières semaines par les rendements des bons du Trésor américain sur le spectre des maturités s’étendant de deux à dix ans.
Le rendement des bons du Trésor à 2 ans s’est effondré de 1,4% il y a deux semaines à 0,59% à la clôture des marchés hier, le 5 mars.
Le rendement des bons du Trésor à 10 ans a chuté de 1,55% à 0,92% sur la même période.
Ce sont des niveaux de mouvement typiques d’une crise, sur le marché des bons du Trésor américain.
Les investisseurs internationaux se précipitent désespérément sur les bons du Trésor américain.
Et peut-être que certaines banques négociant des dérivés se sont peut-être retrouvées insuffisamment couvertes, sur le marché des swaps de taux d’intérêt. La rapidité du mouvement indique qu’une grande banque tente peut-être désespérément d’acheter des tonnes de bons du Trésor pour faire du « delta hedging » [NDLR : technique de couverture (« hedge ») de portefeuille par rapport aux variations du sous-jacent] sur les options et swaps nichés dans ses registres de dérivés.
Quelle que soit l’explication de ce mouvement, le nombre d’acheteurs de bons du Trésor dépasse largement celui des vendeurs. Ces dix dernières années ont démontré que les violents mouvements de baisse, sur la courbe des rendements, ont tendance à être persistants. C’est une mauvaise nouvelle pour toute entreprise ou banque dépendant d’une courbe des rendements ascendante, une entreprise qui « emprunte sur le court terme » et « prête sur le long terme ».
La courbe des rendements, c’est simplement la différence entre les rendements de bons du Trésor américain ayant deux dates de maturité différentes. La plus populaire est la différence entre le rendement des bons du Trésor à 10 ans et celui des bons du Trésor à 2 ans.
Vous vous rappelez peut-être la dernière fois que j’ai évoqué la courbe des rendements, il y a quatre semaines, en expliquant pourquoi elle lançait un avertissement destiné aux actions.
Si la courbe des rendements demeure trop plate (ou s’inverse) sur une période prolongée, alors les mécanismes de création de crédit bancaire peuvent stopper net. Voilà pourquoi, chaque fois que la courbe des rendements baisse trop, la Fed a tendance à réagir en baissant les taux courts. Et à son tour, une baisse des taux courts refait grimper la courbe des rendements.
Selon moi, la principale raison justifiant l’ampleur inhabituelle de cette baisse des taux de la Fed (50 points de base) – des semaines à l’avance – est la volonté de faire remonter la courbe des rendements.
Reste à voir si cela va fonctionner. Les rendements des bons du Trésor pourraient continuer de baisser à un rythme rapide, et la Fed pourrait subir bientôt des pressions afin de procéder à une nouvelle baisse de 50 points de base.
Avec une telle baisse des rendements des bons du Trésor dont les maturités varient de 2 à 10 ans, sur la courbe, la « marge nette d’intérêts » des banques est vouée à chuter au cours des trimestres à venir.
Alors nous allons surveiller les valeurs bancaires, ainsi que les autres titres sensibles aux taux d’intérêt qui apparaîtront sur nos écrans.
En dehors des titres sensibles aux taux d’intérêt, nous pensons toujours que les puts sur des valeurs technologiques (secteur du hardware) peuvent être intéressants.
Notre dernier commentaire, publié le 21 février dernier, renouvelait notre recommandation sur Seagate Technology PLC (NASDAQ : STX). Depuis, l’action a chuté de 54 $ à 50 $.
La semaine dernière, nous vous avons adressé une alerte recommandant de clôturer ce trade en réalisant un gain de « 342% en même pas trois semaines ».
Nous espérons découvrir plusieurs autres trades semblables à ces puts sur Seagate, susceptibles de protéger votre portefeuille dans ce difficile contexte d’investissement.
Bien à vous,
Dan Amoss, CFA
Analyste