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Alerte n°68 – Les compagnies aériennes ont besoin de bien plus de capitaux

Par 30 avril 2020Alertes

Dan Amoss

Cher lecteur,

Les compagnies aériennes ont besoin de bien plus de capitaux : des milliards de dollars d’argent frais. Sinon, elles n’auront pas l’endurance financière nécessaire pour survivre à un effondrement mondial du trafic aérien.

Beaucoup d’entreprises en contact direct avec le consommateur, y compris les compagnies aériennes, ont été totalement prises au dépourvu au moment de la pandémie. Elles exercent avec des marges bénéficiaires serrées, ont des frais fixes colossaux et sont très endettées.

Dans notre recommandation du 22 avril, nous vous avons recommandé des options put sur la plus vulnérable des grandes compagnies aériennes : American Airlines Group (NASDAQ : AAL).

AAL est mal gérée depuis des années. Ses dirigeants ont réagi avec lenteur aux difficultés liées au Boeing 737 Max et à la crise du coronavirus. Ils auraient pu mettre de côté le moindre dollar de trésorerie disponible en période faste pour rembourser les dettes de la compagnie. Mais ils ont préféré racheter des actions.

En attendant, American Airlines a bénéficié d’un prêt dans le cadre du plan de soutien américain, afin de l’aider à financer sa masse salariale pendant quelques mois, dans ce contexte actuel catastrophique pour le secteur aérien.

Jim a passé en revu ces circonstances dans notre alerte de la semaine dernière. Les compagnies aériennes n’opèrent que 5 à 15% des vols, par rapport à leurs capacités, clouent au sol les avions en trop (un processus coûteux) et « brûlent » de la trésorerie à un rythme sans précédent.

Par conséquent, les actions des compagnies aériennes, et surtout d’AAL, sont des options call très risquées sur une hypothétique reprise en « V » de la demande en faveur de vols.

American Airlines a reçu 5,8 Mds$ d’aides émanant du plan de sauvegarde de l’emploi dit « PSP » (Payrol Support Program) s’inscrivant dans la loi CARES Act. Il comprend une subvention directe de 4,1 Mds$ et un prêt à faible taux d’intérêt de 1,7 Mds$.

Soyons clairs, ces subventions et prêts bénéficient directement aux salariés d’American Airlines, afin qu’ils ne soient pas victimes de licenciements massifs au cours des prochains mois. Ces fonds ne sont pas destinés à sauver les actionnaires d’AAL.

A l’avenir – au-delà de la période où ce plan de sauvegarde de l’emploi, financé par le contribuable, prendra fin – American et ses concurrents devront trouver de nouveaux capitaux provenant du secteur privé. De l’argent frais est nécessaire pour avoir ne serait-ce qu’une chance de tenir jusqu’à des temps meilleurs sans faire faillite.

AAL publiera ses résultats relatifs au 1er trimestre aujourd’hui, avant l’ouverture des marchés.

En même temps que ses résultats, la compagnie annoncera probablement une levée de fonds auprès du secteur privé.

Malheureusement pour les actionnaires d’AAL, deux de ses concurrentes, Southwest et United, l’ont coiffée au poteau dans cette course en quête de financements limités provenant du secteur privé.

    • Mardi, Southwest Airlines (LUV) a annoncé son intention de vendre 55 millions de nouvelles actions, plus 1 Md$ d’obligations convertibles senior (prioritaires) à échéance 2025.

 

    • Le 21 avril, United Airlines (UAL) a levé 1 Md$ en actions. Elle a bouclé une émission de 39,25 millions d’actions à 26,50 $ l’unité. United a reçu une aide s’élevant à 5 Mds$, dans le cadre du PSP. L’action UAL a coté en dessous de 26,50 $ – son cours d’émission – une bonne partie de la semaine dernière, ce qui n’est pas bon signe, à l’avenir, pour ce titre.

 

  • Le 22 avril, Delta Air Lines (DAL) a annoncé avoir reçu une aide de 5,4 Mds$ dans le cadre du PSP. En contrepartie, le Trésor américain a reçu des warrants (droits de souscriptions) portant sur l’achat de 6,5 millions d’actions Delta assortis d’un prix d’exercice à 24,39 $, et d’une maturité à cinq ans. Même après avoir réduit de façon spectaculaire ses coûts d’exploitation, ses dépenses d’investissement et avoir cloué au sol 650 avions, Delta a tout de même signalé qu’elle s’attendait à « brûler » 50 M$ de trésorerie par jour, au 2e trimestre.

Mardi, le Financial Times a indiqué que Delta avait l’intention de puiser dans le marché obligataire à hauteur de 5 Mds$. Il s’agit d’obligations sur 5 ans offrant un taux d’intérêt de 7%. Il convient de comparer cela aux obligations sur 5 ans vendues en octobre 2019 à un taux d’intérêt de 2,9%.

Considérant que le coût de financement par l’emprunt a doublé pour Delta (largement considérée comme la compagnie aérienne la plus saine, financièrement, des trois), il sera ardu et coûteux, pour American Airlines, de lever des capitaux dans le secteur privé.

Lors de la publication de ses résultats, la semaine dernière, la direction de Delta a déclaré qu’elle estimait qu’une reprise totale de ses activités pourrait exiger trois ans, et qu’elle s’attendait à sortir de cette crise en ayant une dimension plus réduite.

Les données les plus récentes dont nous disposons, concernant la demande en faveur des déplacements aériens, proviennent des dépenses réalisées via les cartes de crédit de Bank of America.

L’équipe de Bank of America Securities a publié ce graphique dans une récente note d’analyse. Il indique les dépenses réalisées jusqu’au 16 avril :

Graphique 17 : Dépenses quotidiennes consacrées aux déplacements aériens, sur la base des données des cartes de crédit de Bank of America
Dépenses compagnies aériennes

Le schéma typique des dépenses décrit un pic et un creux hebdomadaires, comme l’indique la ligne jaune correspondant aux dépenses réalisées en 2019.

La tendance pour 2020 indique un krach de près de 100% de ces dépenses, sans aucune reprise visible depuis le plus fort de la panique boursière de mi-mars.

Ce qu’il faut retenir de ce graphique, c’est que les actionnaires d’AAL comptent sur une reprise spectaculaire de la ligne noire ci-dessus, en l’espace de quelques semaines ou mois.

Plus cette demande en faveur des déplacements aériens demeurera longtemps très en-dessous de son pic, plus American Airlines devra « brûler » de la trésorerie, et plus elle aura besoin de capitaux.

Et considérant le prix élevé que des compagnies aériennes financièrement plus saines ont dû payer pour obtenir de l’argent frais, toute levée de fonds d’American aura un coût élevé pour ses actionnaires.

Gaël vous enverra des actualisations concernant nos puts sur AAL.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

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