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Alerte n°98 – Royal Caribbean vogue vers la dilution

Par 15 octobre 2020Alertes

Dan Amoss

Cher lecteur,

Dans notre alerte du 23 septembre, Jim a étudié le cas de Royal Caribbean Group (NYSE : RCL), l’un des principaux opérateurs de croisières dans le monde.

Jim a signalé que les actionnaires de RCL ne tenaient pas compte d’une longue liste de risques, notamment :

  • Les consommateurs ont modifié leur comportement : pas seulement pour éviter le coronavirus sur les navires de croisières, mais également pour renforcer leur épargne, et au détriment des dépenses consacrées au tourisme.
  • La situation financière de Royal Caribbean – entreprise lourdement endettée – est plus vulnérable que celle de ses principaux concurrents. Sa dette nette a doublé au cours des trois dernières années, passant de 7 Mds$ en 2017 à 14,7 Mds$ à dater du mois de juin 2020.

Il est probable que RCL survive, concluait Jim, mais seulement après de douloureux ajustements :

« Ses capacités vont diminuer, ses coûts financiers augmenter et ses bénéfices baisser.  Le cours de l’action ne s’est pas ajusté à cette nouvelle réalité car elle n’est pas vraiment perçue. Cela va bientôt changer et le cours de l’action baissera à la mesure de ce changement de situation ».

La direction de Royal Caribbean a finalement admis qu’elle devait lever des capitaux, en plus de s’appuyer sur de nouvelles dettes.

Mardi, la société a annoncé une offre publique de vente de 500 M$ d’actions ordinaires. Les souscripteurs ont la possibilité d’acheter jusqu’à 75 M$ de nouvelles actions. Elle a également annoncé qu’elle offrait jusqu’à 575 M$ d’obligations convertibles de premier rang arrivant à échéance en 2023.

Au cours de la séance du 13 octobre, les actions RCL ont chuté de 13% car la société a également déposé sa déclaration  8-K auprès de la SEC (pas un communiqué de presse), détaillant la situation financière difficile de la société.

Ces déclarations sont une obligation légale, lorsqu’un changement important intervient dans les perspectives d’une société, et qu’elle tente de vendre des titres sur le marché.

Voici ce qu’il ressort de la déclaration 8-K de Royal Caribbean (les caractères gras ont étés rajoutés) :

  • « L’épidémie de Covid-19 a provoqué des mesures en réponse sans précédent, dans le monde entier, afin d’endiguer la propagation de la maladie. Ces mesures mondiales ont entrainé des restrictions de déplacement et créé une incertitude considérable concernant les fermetures et la disponibilité des ports dans le monde entier. Dans le cadre de ces mesures d’endiguement, nous avions déjà annoncé la suspension volontaire de nos quatre marques d’exploitation de croisières : Royal Caribbean International, Celebrity Cruises, Azamara et Silversea Cruises (collectivement, nos « marques internationales ») à compter du 13 mars 2020, laquelle est prolongée jusqu’au 30 novembre 2020, à l’exception des croisières au départ de Hong Kong. En outre, bien que Royal Caribbean International ait reçu l’autorisation du gouvernement de Singapour d’opérer des croisières à partir du 20 décembre 2020, Royal Caribbean International va suspendre toutes les croisières au départ de l’Australie et de la Nouvelle Zélande le 31 décembre 2020, ou avant cette date. Celebrity Cruises suspendra également la totalité de son programme hiver 2020/2021 en Australie et en Asie. De plus, Azamara suspendra ses croisières de l’hiver 2020/2021 dans toute la zone Australie et Nouvelle Zélande, Afrique du Sud et Amérique du Sud. En relation avec ces suspensions, nous avons rapatrié 44 000 membres d’équipage vers leurs pays de résidence, tout autour du globe. Les mesures d’endiguement résultant de cette maladie, ainsi que les perturbations persistantes sur les déplacements ainsi que l’exploitation des ports, dans diverses régions, pourraient provoquer de nouvelles suspensions. »
  • En ce qui concerne les activités basées aux Etats-Unis : « En fonction de l’état de nos discussions avec le CDC [NDLR : Centre pour le contrôle et la prévention des maladies], et de toutes les communications récentes concernant le plan que nous avons soumis, y compris la prise en compte de  l’ordre de « ne pas naviguer », et des meilleures informations dont nous disposons à dater de ce complément d’information apporté au prospectus, nous restons optimistes sur le fait que nous pourrons débuter des navigations commerciales en 2020 ; toutefois, nous ne pouvons pas garantir que nous pourrons reprendre le service dans ce délai. »
  • « Nos réservations pour 2021 ont continué de s’améliorer au cours des deux derniers mois, bien qu’elles se situent encore en-dessous des niveaux antérieurs au Covid-19. Les tarifs des réservations de 2021 sont relativement constants, d’une année sur l’autre, si l’on intègre l’impact du rendement négatif des réservations réalisées avec des future cruise credits[NDLR : « FCC, un bon d’achat valable sur une future croisière], et légèrement en hausse d’une année sur l’autre si on les exclut. Nous avons mis en œuvre plusieurs programmes afin de servir au mieux les clients ayant réservé, en proposant – au lieu d’un remboursement – ces FCC ou la possibilité de reporter leurs réservations pour la même croisière l’année suivante (« Lift & Shift »). Au 30 juin 2020, la société enregistrait environ 1,8 Mds$ d’acomptes versés par les clients. La société estime que le solde de ces acomptes n’est pas matériellement différent, au 30 septembre 2020, comparé à celui du 30 juin 2020. Environ 50% des clients ayant réservé une croisière annulée ont réclamé un remboursement. »
  • « Au 30 septembre 2020, notre trésorerie s’élevait à 3,7 Mds$, environ, dont 3 Mds$ sous forme de liquidités ou équivalents de liquidités et 0,7 Md$ d’engagement sur un prêt à terme de 364 jours. La trésorerie dépensée au troisième trimestre est demeurée dans la fourchette annoncée de 250 à 290 M$ par mois, durant la suspension prolongée des activités, hors remboursements des acomptes des clients, commissions, recettes provenant de réservations précédentes et existantes, et frais et garanties liés à nos activités de financement et de couverture. En réponse aux impacts financiers du Covid-19, nous avons pris des mesures préventives centrées sur le renforcement des liquidités via une réduction considérable des coûts et des dépenses d’investissement, la préservation de la trésorerie et d’autres sources de financement […]. »

Les activités de Royal Caribbean sont en mauvaise posture, alors la société compte sur un retour à une certaine normalité – très prochainement – de ses activités de croisière.

Si l’on se base sur les diverses restrictions liées aux déplacements et aux ports, partout dans le monde, RCL pourrait attendre longtemps, avant de reprendre régulièrement ses activités de croisière.

Et si elle commence à remplir les navires à des niveaux inférieurs à leur capacité, elle pourrait subir plusieurs trimestres de perte d’exploitation et de trésorerie « brulée ».

Le fait que la société ait décidé de vendre plus de 500 M$ d’actions RCL alors que son action est en baisse indique qu’il n’est pas soutenable de puiser davantage dans la dette.

L’état des fonds propres de la société indique qu’elle a historiquement racheté pour 2 Mds$ de ses propres actions, à un cours moyen de 74 $. Si elle avait conservé cette trésorerie pour réduire le passif de son bilan, elle se trouverait dans une situation financière bien plus solide.

Au lieu de cela, et comme pour tant de compagnies aériennes et touristiques cycliques, les actionnaires de RCL subissent une dilution considérable de leur participation.

La direction a racheté ses propres actions au prix fort et elle les vend désormais à bas prix, juste pour se maintenir à flot.

Gaël, notre analyste, vous indiquera comment gérer vos positions sur RCL.

Bien à vous,

Dan Amoss, CFA
Analyste

 

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