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Alerte n°91 – Winter is coming au Pays des Merveilles

Par 16 décembre 2022ODL Alertes

 

Philippe BéchadeCher lecteur,

Après dix semaines de prise à contrepied – systématique – des vendeurs et des analystes les plus lucides sur la situation macro-économique réelle, voilà que les acheteurs et les « permabulls » se font à leur tour piéger après la publication mardi d’un indice d’inflation (CPI) bien meilleur qu’attendu aux Etats-Unis.

C’était le scénario rêvé pour ceux qui croyaient encore au rally de fin d’année, et qui espéraient secrètement un ultime coup de reins pour propulser les indices vers le firmament à l’occasion des « quatre sorcières », cette séance technique qui tombe justement ce vendredi 16 décembre.

Et pas n’importe quel firmament en ce qui concerne le CAC40, puisqu’il s’agissait d’objectifs techniques qui vont certainement vous évoquer de bons souvenirs.

Nous avons assisté ce mardi à une nouvelle envolée – la 3e en trois mois – des indices post-CPI : la plus violente se produisit le 13 octobre, mais celle du 10 novembre (+2%) ne fut pas mal non plus, mais moins impressionnante que les +2,5% (vers 6 825 pts) affichés ce 13 décembre, 90 minutes après le chiffre.

A ce moment précis (il était 16h), le CAC40 renouait avec son zénith du 29 mars, et surtout, retrouvait son niveau du 20/12/2020… ou du 14 février 2022 (10 jours avant la guerre en Ukraine).

Le CAC40 n’était plus qu’à 100 pts de son niveau de clôture du 17/12/2021, la séance des « quatre sorcières » qui clôturait techniquement l’année 2021.

Autrement dit, à 72h de l’expiration des derniers « dérivés » de l’exercice 2022 (la compensation des contrats « décembre » intervenant à 16h), la Bourse de Paris n’était plus qu’à 1,5% de l’équilibre d’une année sur l’autre.

Et 1,5%, cela pouvait se gagner en quelques minutes ce jeudi avec une BCE terminant l’année sans coup d’éclat, avec un discours consensuel laissant transparaître la possibilité d’un « pivot » (amorce d’une décrue des taux) dès la mi-2023.

Car ce « pivot » est invoqué jour après jour comme un mantra et éclipse toute intrusion du réel dans la sphère boursière virtuelle depuis deux mois.

Et comme le veut l’adage, « la Bourse a toujours raison ».

Donc si les cours montent inexorablement, il est inutile de s’obstiner à objecter que cela n’a aucun sens, et que cette hausse présente un caractère artificiel assez malsain : c’est une excuse de « mauvais perdant » qui met en doute la volonté des Banques centrales de complaire aux marchés.

Eh bien les « marchés » ont eu tort, et cela durant des semaines : ils se sont raconté de belles histoires, ont pris leurs rêves pour des réalités, et se sont montrés étrangement complaisants.

Ou alors, ils n’ont jamais cru un traître mot de ce narratif, lequel a servi d’écran de fumée pour une des plus impressionnantes opérations de manipulation des cours – par contrepieds successifs – du XXIe siècle…

Mais ça, c’est la version complotiste, et il faudra attendre des semaines et des mois pour que les langues se délient.

Un indice cependant : beaucoup de gérants ont avoué dès fin octobre que si le « pivot » ne devenait pas rapidement une réalité, alors ce rally haussier était incompréhensible.

Et « incompréhensible », il l’est effectivement, à la lumière du discours très « faucon » de la BCE concernant la lutte contre l’inflation, laquelle finira au-delà des 8,5% fin 2022.

C’est beaucoup trop, et c’est pourquoi la BCE va « en faire plus » : le « taux terminal » se situera au-delà de ce que le marché anticipe (probablement dans la fourchette 3,00/3,50%, contre 2,75/3,00% espéré jusqu’à ce jeudi matin).

Nous voyons mal comment la zone euro échappera à la récession au 1er semestre 2023, mais la BCE reste confiante.

Elle abaisse les prévisions de croissance 2023 (de 0,9% à 0,5%) … mais veut croire à une récession courte et modérée, sans impact sur le marché du travail.

Un peu à l’image de l’économie américaine qui continue de créer des emplois, malgré la chute quasi verticale de l’activité dans le secteur du logement.

Christine Lagarde revoit à la hausse les prévisions de hausse des prix pour 2023 à +6,3% (avec des effets de second tour sur les salaires), puis également celles de 2024 à +3,4% (au lieu de +3%) et de 2025 (à +2,3%).

Autrement dit, pas de retour à la norme des 2% avant 2026.

Le récent retour du CAC40 au-dessus des 6 800 pts ne saurait par ailleurs s’expliquer par l’anticipation d’un miracle à la française : l’INSEE s’attend en effet à une contraction de 0,2% du PIB au 4e trimestre 2022 et à un début d’année 2023 dans le rouge (avant +0,3% de PIB au 2e trimestre), avec une inflation à 7%.

Et que dire de la flambée de +24% du DAX en dix semaines et de sa culmination à 14 675 pts ce mardi 13 décembre ?

Mais qu’est-ce que le « marché qui ne se trompe jamais » a bien pu « payer » ?

Car les prévisions de la Bundesbank d’ici 2025 sont résumées dans le tableau ci-dessous, avec une croissance révisée de +2,4% à -0,5% pour 2023 tandis que l’inflation attendrait 7,2% (au lieu de 4,5%), soit une perte de richesse réelle de -7,7%.

prévisions de la Bundesbank

 

Après dix semaines passées au Pays des Merveilles d’Alice, voilà que les marchés ressortiraient soudain du terrier pour affronter le froid glacial de la conjoncture : le coût du mégawattheure (MWh) passé de 50 à 500€, les entreprises qui suspendent tout ou partie de leur production ou les boulangers qui mettent la clé sous la porte.

Puis les ménages à court d’épargne qui n’ont plus les moyens de se chauffer, les Etats qui se surendettent à coups de boucliers tarifaires et qui s’infligent des dizaines de milliards de pertes supplémentaires avec le boycott du gaz russe, puis du diesel d’ici deux mois.

Ce sont plusieurs centaines de milliards d’endettement supplémentaires accumulées depuis mars dernier, une dette dont le coût vient de passer de 0% à 2,50% en six mois (et de 0% à 4% aux Etats-Unis, de telle sorte que le montant des intérêts dépasse maintenant le budget de la Défense, soit 750 Mds$).

Comme l’a déclaré Blackrock : « les Banques centrales sont en train d’orchestrer une récession telle que nous n’en avons jamais connue ».

Une soudaine prise de conscience s’opère et qui vaut au CAC40 une chute de -360 pts en trois séances, soit -6% (à 6 460 pts), ce qui efface tous les gains depuis le 9 novembre dernier : 25 séances de hausse effacées en trois jours !

Et tout commence par un énorme bull trap ce 13 décembre, qui semble constituer le parfait symétrique du bear trap du 3 octobre dernier.

Winter is coming et cela cadre très précisément avec le calendrier.

Gardez-vous de la tentation de « payer les creux » comme le feront les quelques gérants qui se sentent « sous-investis » et doivent regarnir la « poche » actions afin de respecter les quotas de liquidités qui leur sont imposés.

Et n’oubliez pas que ceux qui ont « acheté » cette hausse, ne l’ont fait que parce que leur mandat de gestion les y contraignait : ils n’y ont jamais cru, et n’auront aucun remords à tout liquider si la polarité du marché s’inverse.

Et c’est exactement ce que la rechute du S&P500 entre 4 100 et 3 880 (près de -8% en trois séances) qui valide la cassure du support des 3 930/3 935, vient de démontrer.

Tesla semble cette fois avoir été le précurseur avec une configuration en tête/épaules baissière moyen terme, qui pourrait bien se décliner à l’ensemble des grands indices US : si nous devions tenter aujourd’hui un pari à la hausse, ce ne pourrait être que sur le dollar, car l’euro, c’est la devise de la récession et des déficits.

Et pour finir, mon point hebdomadaire en vidéo :

Vidéo Philippe
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Bonne fin de semaine à tous,

Philippe

 

 

Des nouvelles du front

Gilles Leclerc Cher lecteur,

Cette semaine, trois rendez-vous d’importance étaient attendus.

Les deux premiers ont eu lieu. Il s’agit de la communication des Banques centrales (Fed et BCE). Avec en résumé, un abaissement des prévisions de croissance à la clé et poursuite de la remontée des taux à prévoir pour les mois à venir.

Mauvais karma : les indices ont donc (pour une fois) logiquement réagi en lâchant du terrain ce jeudi.

Reste maintenant l’ultime épreuve qui se déroulera aujourd’hui vendredi. Il s’agit de la fameuse journée des quatre sorcières, c’est-à-dire le roulement trimestriel des positions sur options, futures et autres produits dérivés massivement utilisés par les grandes banques d’investissement.

À mon humble avis, ce sera probablement la journée la plus importante dans le sens où, comme vous le savez, ces journées ont une importance toute particulière, car les institutionnels et autres « grosses mains » en profitent souvent pour réajuster leurs positions en fonction de leurs stratégies à venir. En tout cas, généralement, l’impact se fait sentir sur les marchés dans les 24 ou 48 heures suivantes.

Bref, le message cette semaine est le suivant : on ne bouge pas, nous tenons nos positions, les couvertures indicielles sont en place.

Elles ont pleinement joué leur rôle avec hier un +7,6% sur le S&P500, +6,20% sur celle du CAC40, +3,3% sur celle qui couvre le Nasdaq, +6,7% pour le DAX40 et finalement +3,5% en ce qui concerne la couverture prise sur l’Eurostoxx50.

Le PDF contenant tous les graphiques présentés dans cette vidéo est accessible par ici.

Vidéo Gilles
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Bon week-end,

Gilles

Portefeuille La Lettre des Affranchis
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